LES ACCORDS DE L'UE SUR L'IMMIGRATION AVEC L'ÉGYPTE ET LA TUNISIE DOIVENT êTRE "RéVISéS", DéCLARE NICOLAS SCHMIT

Les accords de plusieurs millions d'euros que l'UE a signés avec les pays voisins pour réduire l'immigration irrégulière doivent être "révisés", estime Nicolas Schmit, tête de liste des socialistes européens pour les élections de juin. View on euronews

"Je suis assez réticent à l'égard de ces accords qui doivent encore faire la preuve de leur efficacité. Nous dépensons actuellement d'énormes sommes d'argent, en donnant cet argent à différents régimes ou gouvernements, comme le gouvernement tunisien. Nous savons que les autorités tunisiennes traitent très mal les réfugiés", explique Nicolas Schmit à Euronews lors d'une interview exclusive filmée mardi matin.

"Nous avons toujours des problèmes en Libye, où il y a deux gouvernements. Nous avons des questions pour l'Egypte. Je suis donc assez réticent à ce genre d'accords", poursuit-il.

"Je pense que nous devons les revoir et voir ce qui peut être fait, comment nous pouvons le faire différemment parce que nous ne savons pas exactement comment l'argent est utilisé".

Nicolas Schmit, l'actuel commissaire européen en charge de l'Emploi et des Droits sociaux, rompt ouvertement avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui, au cours de l'année écoulée, a encouragé la politique de signature d'accords avec les pays voisins, tels que la Tunisie, la Mauritanie et l'Égypte, dans le but de stimuler leurs économies fragiles et de réduire le nombre de départs d'immigrants clandestins.

Cette stratégie, qui prévoit des millions de fonds européens et des projets d'investissement, bénéficie d'un large soutien des dirigeants de l'UE dont l'Italienne Giorgia Meloni, le Grec Kyriakos Mitsotakis, le Belge Alexander De Croo et l'Espagnol Pedro Sánchez, qui ont tous, à un moment donné, rejoint Ursula von der Leyen lors de ses voyages officiels.

Mais ces accords ont été fortement critiqués par les ONG humanitaires et les spécialistes des migrations, qui affirment qu'ils sont mal conçus, qu'ils manquent de transparence et qu'ils reposent sur un vote de confiance de la part de gouvernements autocratiques. Les nombreux rapports faisant état de violations des droits de l'homme en Tunisie et en Égypte ont jeté une ombre sur ces textes.

Le dernier chapitre en date de cette politique concerne le Liban, où la présidente de la Commission a annoncé la semaine dernière un programme d'aide d'un milliard d'euros destiné à soulager les difficultés financières du pays frappé par la crise et à empêcher une vague de réfugiés de se diriger vers Chypre. L'enveloppe, entièrement constituée de subventions, sera progressivement mise en place jusqu'en 2027.

"Personne ne sait exactement comment l'argent annoncé sera dépensé au Liban, étant donné la situation du gouvernement libanais, qui est, d'une certaine manière, un gouvernement très faible", analyse Nicolas Schmit.

Au cours de son entretien avec Euronews, Le Luxembourgeois de 70 ans a fustigé le "modèle rwandais" que le Royaume-Uni a mis en place pour transporter les migrants par avion vers le pays africain et traiter leurs demandes d'asile sur place. Si les demandes sont approuvées, les réfugiés se verront accorder l'asile au Rwanda, et non sur le sol britannique.

Dans son manifeste, le Parti populaire européen (PPE) présente une ébauche de projet similaire au "modèle rwandais" visant à externaliser partiellement le traitement des demandes. Ursula von der Leyen, tête de liste du PPE, nie la comparaison et insiste sur le fait que tout projet serait compatible avec le droit international.

"Je suis absolument contre ce que nous appelons le modèle rwandais, qui va à l'encontre des droits fondamentaux sur lesquels l'Europe s'est construite", insiste Nicolas Schmit. "Déléguer le traitement des réfugiés au Rwanda ou à d'autres pays est une question de non-respect de la dignité humaine".

Pas question de travailler avec CRE

Nicolas Schmit et Ursula von der Leyen se trouvent dans une position particulière car tous deux travaillent au sein de la Commission mais ils font campagne respectivement pour le PSE et le PPE.

La présidente de l'institution demeure la favorite  selon les sondages. Son parti devrait rester la première force politique au Parlement à l'issue des élections de juin.

Toutefois, ces dernières semaines, Ursula von der Leyen a fait sursauter l'opinion publique en raison de ses ouvertures vers le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE), qui regroupe notamment Fratelli d'Italia (Italie), Droit et Justice (Pologne), Vox (Espagne), l'Alliance néo-flamande N-VA (Belgique), le Parti démocratique civique (République tchèque) et les Démocrates de Suède (Suède).

Le CRE devrait progresser de manière significative après le mois de juin, et pourrait devenir le troisième groupe le plus important, ce qui donnerait à cette formation eurosceptique et anti-Pacte vert un plus grand poids dans la prise de décision.

Pour être reconduite par les dirigeants, Ursula von der Leyen devra être confirmée par une majorité au Parlement. Les socialistes ont prévenu que si la responsable allemande cherchait à obtenir des voix au sein de CRE, elle perdrait leur soutien.

"Il n'y a aucun moyen - je suis très clair là-dessus - il n'y a aucun moyen d'avoir un arrangement, un accord ou quoi que ce soit avec l'extrême droite", assure Nicolas Schmit à Euronews.

Il accuse le PPE de faire une "distinction très spéciale" entre l'extrême droite "décente" et l'extrême droite "paria" et a mis en garde contre les conséquences imprévisibles de cette ligne de plus en plus floue, affirmant que le CRE défendait une conception "fondamentalement différente" de l'Europe.

"Lorsque je regarde l'extrême droite dite décente, qui sont ces gens ? Ce sont des Vox. Ce sont des admirateurs de Franco. Des admirateurs de Mussolini. C'est le parti PiS (Droit et Justice) qui était sur le point d'abolir l'État de droit en Pologne et qui a été sanctionné par la Commission. Où est donc l'extrême droite décente ? Il n'y en a pas", explique-t-il.

"C'est pourquoi il n'est pas possible d'avoir un arrangement qui se contente d'acheter des votes parce que l'extrême droite est intelligente. Ils ne donneront pas leurs voix pour rien. Ils demanderont des concessions sur la manière dont la politique européenne sera définie", assure Nicolas Schmit.

Cette interview fait partie d'une série en cours avec toutes les têtes de liste pour les élections européennes. L'interview complète de Nicolas Schmit sera diffusée sur Euronews le week-end du 17 mai.

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