CONTESTé à BUDAPEST: MOI VIKTOR ORBAN, FUTUR PRéSIDENT DE L'UNION EUROPéENNE QUE JE VEUX DéMANTELER

Le Premier ministre hongrois est dans une posture difficile dans son pays. Il redouble donc d'ardeur contre l'Union européenne à quelques semaines des élections favorables à son camp national-populiste.

Il va présider l’Union européenne (UE). Mais il a encore promis de la démanteler en marge d’une conférence des nationaux-populistes - annulée puis réautorisée dans la foulée - ce mardi 16 avril à Bruxelles. De qui s’agit-il? Du Premier ministre Viktor Orban. Un dirigeant européen incontournable, car son poids politique risque de sortir renforcé des urnes européennes, alors qu’il est de plus en plus contesté chez lui, à Budapest.

Si les sondages ne se trompent pas, les partis nationaux-populistes fidèles à la ligne Orban de confrontation avec la Commission européenne vont connaître une forte poussée électorale lors du renouvellement du Parlement de Strasbourg, organisé du 6 au 9 juin. L’intéressé se trouvera donc encore plus au centre du jeu lorsque son pays assumera, le 30 juin, la présidence tournante de l’Union.

Orban, superman anti-européen?

Orban, superman anti-européen? Lui y croit, en tout cas. Ces deux derniers jours à Bruxelles, furieux de l’annulation pour «raisons de sécurité» de la conférence des partis nationaux populistes qui devait se tenir en présence d’Eric Zemmour et de l’ancien leader du Brexit Nigel Farage, le Premier ministre hongrois s’en est pris sans retenue à l’administration communautaire.

Sur une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, celui qui dirige la Hongrie depuis 2010 a appelé à «se débarrasser des bureaucrates défaillants de Bruxelles». La raison? «Ceux-ci ont créé l’État de droit et le système de conditionnalité, qui s’est avéré être, en fin de compte, un instrument de chantage politique.» Il est vrai que Budapest attend toujours le versement de plus de dix milliards d’euros, bloqués dans le cadre de procédures intentées par la Commission. Logique pour lui, dès lors, de faire monter la pression avant le vote pour coaliser les mécontentements et les colères.

Cette volonté de démanteler l’UE de l’intérieur est d’autant plus ironique que Viktor Orban va diriger en partie celle-ci pour six mois. Et pas n’importe quel semestre! C’est sous la présidence tournante de la Hongrie – qui succèdera à la Belgique – que vont être désignés les titulaires des «Top jobs» de l’UE.

En clair: Orban sera dans la cuisine des Chefs d’État et de gouvernement pour les nominations à la présidence de la Commission européenne (Ursula von der Leyen, qu’il déteste, est candidate pour un second mandat), à la tête du Conseil européen (le Belge Charles Michel sera remplacé), à la présidence du Parlement européen et au poste de Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères. Va-t-il peser très lourd si son camp politique, eurosceptique et europhobe, l’a emporté dans les urnes le 9 juin? C’est très probable.

L’ironie est que le Premier ministre hongrois a, ces jours-ci, absolument besoin des fonds européens bloqués pour faire face à la campagne d’opposition contre la corruption de son administration. Des dizaines de milliers de Hongrois, surtout à Budapest, accusent son parti Fidesz de gouverner au seul profit de son clan. Il faut donc faire rentrer de l’argent frais dans les caisses, or celui-ci ne peut provenir que de Bruxelles. Orban est pris en tenaille. D’un côté, son discours anti-européen, pro-Russie, n’a jamais été aussi redoutable. De l’autre, il ne peut pas rompre à quelques semaines de présider provisoirement l’Union…

Chantage permanent

Viktor Orban se retrouve à faire ce qu’il maîtrise le mieux. Des zigs-zags. Du chantage permanent. Il sait que la voix de la Hongrie, surtout dans son semestre de présidence, va beaucoup compter dans les délibérations sur l’aide à l’Ukraine, à laquelle son pays refuse de livrer des armes, tout comme la Slovaquie. Orban sait aussi qu’en cas de percée électorale des nationaux-populistes, beaucoup de nouveaux élus se tourneront vers lui. Il a enfin l’avantage, pour une partie des électeurs d’extrême-droite européens, d’assumer sa différence avec la première ministre italienne Giorgia Meloni, alignée sur Washington.

Lorsqu’il était venu à Zurich en novembre 2023, Orban avait déconseillé à la Suisse d’adhérer à l’UE. «Ce que nous voyons aujourd’hui dans l’Union européenne fait mal. Je le dis plein d’amertume. Cette Union est pleine de bureaucrates au lieu de politiciens» avait-il asséné sur les bords de la Limatt. Un refrain qu’il compte bien répéter dans les semaines à venir, et que son ancien ministre de la Justice et député européen de son parti Fidesz László Trocsanyi, invité le 7 mai prochain par l'Université de Fribourg, expliquera peut-être au public helvétique.

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