EXPULSéE DE CHINE, ELLE DISPARAîT SANS LAISSER DE TRACE

Des centaines de Nord-Coréens ont disparus de Chine depuis la réouverture de la frontière. Malgré les risques, la famille de Kim Cheol Ok a pris la décision de rendre son cas public après sa disparition.

Après avoir fui la famine en Corée du Nord, Kim Cheol Ok a fait profil bas en Chine pendant des décennies, jusqu’à une tentative de fuite lors de laquelle elle est tombée aux mains des autorités chinoises qui l’ont renvoyée dans son pays reclus. Comme elle, des centaines de Nord-Coréens ont été rapatriés par la Chine ces derniers mois vers leur pays d’origine, où selon les organisations de défense des droits de l’homme, ils risquent l’emprisonnement, la torture et même d’être exécutés.

Rafles

La femme d’une quarantaine d’année a passé un appel en urgence pour dire adieu, et annoncer «qu’elle allait être renvoyée en (...) Corée du Nord dans les deux heures, et a raccroché», explique sa sœur Kim Kyu-li, qui vit à Londres. Ni elle ni aucun autre membre de sa famille n’a pu la contacter depuis.

Des milliers de Nord-Coréens vivraient illégalement dans les régions frontalières du nord-est de la Chine. Pékin fait des rafles sporadiquement, mais les expulsions ont cessé pendant que la frontière était fermée en raison de la pandémie. Pyongyang considère le franchissement non autorisé de la frontière comme un crime grave, sévèrement réprimé.

«Pas de nouvelles»

Kim Cheol Ok était passée en Chine dans les années 1990, au moment où la Corée du Nord connaissait des pénuries dévastatrices, explique Kim Kyu-li. Elle a été vendue pour être mariée à un Chinois beaucoup plus âgé qu’elle. L’année dernière, infectée par le Covid-19, elle a cherché à obtenir un statut légal et des soins de santé, et décidé de fuir la Chine.

En avril 2023, Kim Kyu-li a engagé un intermédiaire pour aider sa sœur à traverser 4000 kilomètres pour se rendre au Vietnam. Elle espérait qu’elle atteindrait ensuite la Corée du Sud, qui accorde la citoyenneté aux Nord-Coréens. De là, Kim Cheol Ok pourrait la rejoindre en Grande-Bretagne. Mais les retrouvailles n’ont jamais eu lieu.

Expulsée deux heures plus tard

La police chinoise a intercepté Kim Cheol Ok et deux autres Nord-Coréens dans les heures qui ont suivi leur départ, ont déclaré Kim Kyu-li et la source anonyme en Chine. Elle a passé plusieurs mois dans un centre de détention de haute sécurité à l’extérieur d’un village près de la ville de Baishan, dans la province de Jilin (est). Sa famille affirme n’avoir pas pu savoir si elle avait été inculpée, jugée ou condamnée. Ils ont été autorisés à apporter des vêtements et de l’argent au centre, mais n’ont pas pu voir Kim Cheol Ok.

Soudain, en octobre, elle a demandé à pouvoir passer un dernier coup de téléphone, indique Kim Kyu-li. Deux heures plus tard, elle a annoncé à sa famille qu’elle était renvoyée en Corée du Nord, et n’a plus jamais donné de nouvelles. Kim Cheol Ok faisait partie des quelque 600 Nord-Coréens expulsés de Chine ce mois-là, selon le groupe de travail sur la justice transitionnelle, une ONG sud-coréenne.

«Tout comme elle a survécu en Chine à un jeune âge, j’espère qu’elle survivra également» en Corée du Nord.

«Tir à vue»

Des dizaines de milliers de Nord-Coréens sont entrés en Chine au cours des dernières décennies, cherchant une vie meilleure. Pékin les considère comme des migrants économiques illégaux, ce qui oblige nombre d’entre eux à se tourner vers des pays tiers pour pouvoir se rendre ensuite en Corée du Sud. Mais les arrivées ont diminué depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong Un. Pendant la pandémie, Pyongyang a renforcé la sécurité aux frontières et a imposé une politique de «tir à vue», selon le média spécialisé NK News, établi à Séoul. D’après le ministère sud-coréen de l’Unification, seuls 196 Nord-Coréens ont réussi à se rendre au Sud l’année dernière, alors qu’ils étaient près de 3000 en 2009.

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