HUGO CLéMENCE, VICE-PRéSIDENT DU PS NEUCHâTELOIS: ÊTRE ALAIN BERSET «N'AUTORISE PAS à SE PRENDRE POUR UN DEMI-DIEU»

La vidéo impertinente du «vrai» Alain Berset par le média étudiant Caféine Média n'a pas plu au Département fédéral de l'Intérieur. Sur X, le jeune vice-président du parti socialiste neuchâtelois Hugo Clémence soutient les journalistes en herbe. Interview.

Côté coulisses, le comportement du «vrai» Alain Berset agace jusque dans les rangs du Parti socialiste (PS). Le vice-président du Parti socialiste neuchâtelois, Hugo Clémence, n'est pas passé à côté des bisbilles d'Alain Berset et de «son» Département fédéral de l'Intérieur (DFI) avec un média étudiant. Face au média étudiant Caféine Média, financé à la base par l'État de Vaud, l'ancien président de la Confédération et le DFI — dont Elisabeth Baume-Schneider est désormais à la tête — s'est distingué… en mal.

Sur Instagram et TikTok, donc à destination des jeunes, Caféine Média décrypte l’actualité suisse et ses institutions politiques depuis l’été 2023. Mais comme l’a souligné Blick ce mercredi 3 juillet, leur vidéo sur «le vrai» Alain Berset – dévoilant les coulisses peu reluisantes d’une interview avec l’ancien conseiller fédéral socialiste –, n’a visiblement pas plu au service de communication du DFI. Quelques mois plus tard, leur demande d’interview de la nouvelle conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a été refusée par le responsable de la communication, Christian Favre.

Mercredi sur X, un autre camarade n’a pas épargné le nouveau secrétaire général du Conseil de l’Europe. Vice-président du PS neuchâtelois, le député au Grand conseil Hugo Clémence s’est agacé du comportement d’Alain Berset, avant de manifester son «amitié» aux «journalistes en herbe» de Caféine Média, pas encore majeurs.

Engagé pour la participation de la jeunesse à la vie politique, l'élu de 25 ans, encore étudiant en histoire à l’Université de Neuchâtel, a accepté de répondre aux questions de Blick. Il estime que les jeunes et leurs codes ont leur place au sein des institutions helvétiques séculaires. Interview.

Hugo Clémence, qu’est-ce qui vous gêne dans cette réaction de votre camarade socialiste Alain Berset aux questions de Caféine Média?Ce qui me gêne va au-delà du cas d’Alain Berset en particulier. Cette situation est symptomatique d’un double discours vraiment dommageable pour l’ensemble du corps politique, mais aussi pour tous les gens qui s’y intéressent de près ou de loin. Nous autres élus locaux et militants sommes sur le terrain toute l’année pour expliquer à la population pourquoi il est important de voter et d’élire des gens qui les représentent. Ce genre de vidéo entache tout le travail effectué pour redonner confiance en la politique.

Quelle analyse portez-vous sur cette relation entre médias et responsables politiques? Est-ce que Caféine Média n’aurait pas dû montrer ces images des coulisses d’une interview?

Ce n’est même pas une question. Alain Berset n’a pas été piégé par Caféine Média. Il était dans un endroit public, il savait qu’il était filmé. En tant que personnalité publique, il doit pouvoir assumer ce risque. C’est bien qu’un média, surtout créé par et pour des jeunes, s’autorise ce genre de révélations. Ce n’est pas non plus une affaire d’État, pas de quoi en faire tout un fromage. Caféine Média a bien fait de montrer ce discours alternatif. Les politiques ne peuvent pas tout se permettre n’importe quand et avec n’importe qui. Quand on se comporte mal, il y a des conséquences, tout simplement.

On a là des jeunes journalistes qui s’intéressent à la politique et aux institutions suisses. Mais leurs codes — ceux des réseaux sociaux, de TikTok et d’Instagram — sont-ils adaptés aux institutions politiques suisses actuelles?C’est compliqué, je pense que la réponse est non. C’est évident qu’une adaptation doit se faire des deux côtés. Cela dit, les politiciens suisses doivent éviter de tomber à l’extrême dans la politique des réseaux sociaux. La temporalité des médias sociaux ne doit pas dicter la manière dont les politiques agissent. Il y a un temps qui est politique, un temps médiatique et un temps pour les réseaux sociaux: il ne faut pas tout mélanger. Mais on ne peut pas faire abstraction de ces nouveaux codes, auxquels les institutions ne sont pas forcément adaptées.

Pas mal de politiciens, de politiciennes et d’institutions se mettent aux réseaux sociaux…

Quand on veut adopter ces codes, il faut comprendre qu’on ne peut pas tout maîtriser. Le format de Caféine Média était très classique. Des caméras, un micro et des questions, ce n’est pas surprenant non plus. Les institutions peuvent s’y adapter. Mais la transformation reste importante.

En l’occurrence, Alain Berset dans cette vidéo refuse de se présenter en son titre et fonction…

Cela aurait pris une demi-seconde. Sans être un monstre problème, c’est symptomatique d’une déconnexion entre les politiques et la population. On voit que ces jeunes sont de bonne foi, qu’ils ont fait les démarches pour l’interviewer, qu’ils prennent le temps de s’intéresser à la politique et qu’ils sont contents d’avoir le président face à eux. L’exercice de se présenter, c’est un truc qui se fait sur les réseaux sociaux. Ce genre d’image et de comportement pèse sur l’intérêt des gens pour la politique, et en particulier des jeunes.

Comment est-ce qu’on se forme à ces questions-là, en tant que jeune politicien socialiste en Suisse romande?

On est informé, c’est évident. On fait attention à ce qu’on dit, ce qu’on fait et comment on le fait. C’est un jeu entre les médias et la politique, fait de règles tacites. Il y a un enjeu de confiance. Mais au fond, c’est une question de respect et de bon sens.

Prenons un peu de hauteur en partant de l'exemple de Caféine Média. Comment susciter et accueillir cet intérêt sincère de la jeunesse pour la politique suisse et ses institutions?

La première chose à faire, c’est de comprendre qu’il y a une transition en cours. Les médias et les codes de communication se transforment, et on doit s’adapter. On dit beaucoup que les jeunes qui s’engagent plus ne s’intéressent plus à la politique. C’est faux. Beaucoup montrent leur intérêt via des médias ou des plateformes sur les réseaux sociaux. Mais un jeune de 19 ou 25 ans qui crée des contenus politiques destinés aux réseaux sociaux n’est pas un journaliste accrédité avec 40 ans d’expérience dans les pattes. Et c’est normal. On doit l'accueillir de manière bienveillante. Comme politiciens, on doit remettre en question nos acquis.

C’est-à-dire?

Tout le monde n’a pas les mêmes savoirs. Il ne faut pas être trop figés là-dessus. C’est un peu notre problème, en Suisse. Nos institutions changent difficilement. Mais les attentes du public et des jeunes évoluent. Il y a cette envie de faire la politique différemment. Et ça, il faut l’entendre, le comprendre et s’y adapter. En tant que politiciens, on doit vraiment redescendre de notre piédestal. On dit souvent que la politique suisse est proche de la population. Mais même ici, il y a un ras-le-bol de cette déconnexion. Dans tous les partis, il faut se remettre en question. Je n’ai aucun mal à en dire de même pour un ministre socialiste.

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