JUGEMENT APRèS L'ACCIDENT DU TRAIN FOU DE SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE

Le train roulait à 179 km/h au lieu de 80. Un conducteur et un ex-responsable condamnés à deux ans et demi de prison.

Onze ans après, le tribunal de cette ville de Galice (nord-ouest) a reconnu les deux hommes coupables d’homicides involontaires, jugeant qu’ils n’avaient pas respecté «le devoir de prudence que leurs fonctions leur imposaient».

Du fait de leur négligence, ils ont «mis en danger» les passagers du train, a ajouté le tribunal, qui leur a interdit d’exercer leur profession pendant quatre ans et demi et les a condamnés à indemniser les parties civiles, via les assurances, à hauteur de 25 millions d’euros.

Encastré dans un mur d'enceinte

Le 24 juillet 2013 au soir, le train à grand vitesse Alvia 04155 avait brutalement déraillé à son arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, avant de s’encastrer dans un mur d’enceinte situé à quatre kilomètres de la ville, où se rendent chaque année des milliers de pèlerins.

Au total, 80 personnes avaient trouvé la mort dans ce drame ferroviaire, le plus meurtrier en Espagne depuis 1944, parmi lesquels 68 Espagnols, deux Français, deux Italiens et deux Américains. Plus de 140 personnes avaient également été blessées.

Défaut d'attention

L’enquête avait rapidement mis en évidence une vitesse excessive, liée à un défaut d’attention du conducteur, qui se trouvait au téléphone avec le contrôleur quelques secondes avant l’accident.

Dans son jugement de 530 pages, le tribunal insiste sur la responsabilité directe de ce conducteur, mais aussi de l’ancien responsable de la sécurité de l’Adif, organisme gérant le réseau espagnol, condamnés pour la mort de 79 des 80 personnes tuées.

La 80ᵉ victime, blessée dans l’accident et décédée 73 jours plus tard des suites d’une grave maladie, a pour sa part été comptabilisée parmi les blessés. Mais cela ouvre néanmoins le droit à une indemnisation, précise dans un communiqué l’autorité judiciaire espagnole.

Au téléphone au mauvais endroit

Pour le tribunal, le conducteur du train, Francisco Garzon, n’a pas respecté «la précaution la plus élémentaire» en répondant au téléphone sans tenir compte de «l’endroit où il se trouvait».

Cette négligence, qui l’a conduit à déclencher le frein d’urgence du train quatre secondes trop tard, est d’autant plus grave qu’il «connaissait» la ligne et savait qu’une «réduction significative» de la vitesse était nécessaire à cet endroit, insiste-t-il.

L’ex-responsable de l’Adif, Andrés Cortabitarte, n’a quant à lui pas suffisamment tenu compte des risques sur cette portion de voie. Le drame n’aurait ainsi pas eu lieu «si des mesures avaient été prises» pour mieux «contrôler la vitesse du train» et «attirer l’attention du conducteur», détaille-t-il.

Interrogé sur la télévision publique RTVE, le porte-parole de l’association de victimes Alvia 04155, Jesus Dominguez, a salué ce jugement. «Evidemment, deux ans et demi de prison pour 80 décès, cela peut sembler peu» mais la responsabilité des deux prévenus est reconnue «noir sur blanc», a-t-il souligné.

Initialement, quatre ans de prison avaient été requis contre Francisco Garzon et contre Andrés Cortabitarte. Mais à la fin du procès, qui s’était tenu d’octobre 2022 à juillet 2023, le parquet avait retiré sa réquisition contre l’ex-responsable de l’Adif, provoquant l’indignation des associations de victimes.

«Au final, le tribunal a été très courageux» car il a choisi de reconnaître également la responsabilité de l’Adif, s’est félicité Jesus Dominguez.

Lors du procès, le conducteur avait reconnu ses torts et présenté ses excuses aux familles des victimes. «J’avais perdu conscience de l’endroit où j’étais», avait-il déclaré, en larmes, tout en mettant en cause l’absence de système de freinage automatique sur les lieux du drame.

L’ex-responsable de l’Adif, accusé de n’avoir pas réalisé d’étude de risques sur le virage concerné, avait en revanche nié toute responsabilité. La ligne était «100%» sûre, sinon «elle n’aurait pas été mise en service», avait-il assuré, en démentant tout défaut de conception.

Cette ligne de défense avait été source de tensions et M. Cortabitarte avait été copieusement insulté à l’issue de la première journée de débats. Un proche d’une victime, excédé, lui avait même porté un coup à la tête la sortie du tribunal.

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