LA GRANDE HISTOIRE D’UNE SUISSE QUI A APPRIS à GAGNER

Granit Xhaka est le leader d’une génération biberonnée par la culture de la victoire. Tout cela s’est construit sur la durée, et cet Angleterre – Suisse n’est qu’une étape.

Il y a peut-être un petit clin d’œil du destin, même si après treize ans et 129 sélections le destin s’est souvent pointé sur le chemin de Granit Xhaka pour raconter des histoires. Mais il faut se souvenir de la première cape du capitaine de l’équipe de Suisse: il n’avait pas encore dix-neuf ans, et c’était à Wembley, face à l’Angleterre. Une découverte, même si les ambitions et le caractère du gamin d’alors étaient déjà bien ancrés en lui.

Samedi, à Düsseldorf, ce sera à nouveau face à l’Angleterre, mais en quart de finale de l’Euro 2024, que Granit Xhaka fêtera sa 130e cape. Et il l’abordera avec une détermination folle, celle de gagner, de se qualifier pour les demi-finales d’un grand tournoi. L’ambition, là, est concrète. Pour le capitaine, comme pour ses coéquipiers. À Stuttgart, avant le départ pour Düsseldorf vendredi après-midi, elle transpire. Il y a dans cette équipe de Suisse une envie de gagner plus forte que jamais. Même face à l’Angleterre. Même à ce stade de la compétition.

Une culture forgée en juniors

Comment donc l’équipe de Suisse version 2024 s’est-elle habitée de ce désir de gagner, de cette conviction qu’elle en est capable, qu’importe l’adversaire? C’est l’histoire d’un long parcours. Tout cela part de loin, de très loin. De la fin des années 2000.

La «génération Xhaka» s’est bâtie à partir de cette période. Le capitaine en est le symbole, les autres ont suivi et se sont mis au niveau. Il faut se souvenir qu’ado, Xhaka est l’un des leaders de la volée 1992 du FC Bâle, celle qui règne sur toute la Suisse. Champion de Suisse en M16 avec vingt points d’avance, rebelote en M18 avec dix-huit points de marge. C’est sans doute ainsi qu’on apprend à gagner.

Alors quand il débarque au Mondial des moins de 17 ans au Nigeria à l’automne 2009, Xhaka est habité de ça. Les jeunes du FCB forment une base importante de l’équipe de Dany Ryser, et il y a les autres qui se greffent: Ricardo Rodriguez, Haris Seferovic, pour les plus connus d’entre eux. Ils jouent le Brésil, l’Allemagne, l’Italie, la Colombie et puis le Nigeria en finale: ils gagnent à chaque fois, sont champions du monde. Cela marque aussi. Au fer-blanc.

L’apprentissage par l’échec

Tout le parcours de Xhaka en équipe de Suisse et des autres qui le suivront est forgé par ces instants. Avec des échecs: 2014, 2016, 2018. Puis, le premier bastion qui tombe, avec la qualification de 2021 contre la France. Cela nourrit une expérience: la sélection helvétique est l’une des plus âgées de l’Euro 2024, et c’est en particulier le cas de son onze titulaire, qui affiche plus de trente ans de moyenne d’âge. Dans celui aligné contre l’Italie, il n’y avait que Ndoye qui découvre une grande compétition cet été.

C’est ce qui permet une confiance, l’idée d’y croire, de ne plus aborder ce genre de match comme «la petite Suisse». Steven Zuber (33 ans), qui dispute son troisième tournoi après le Mondial 2018 et l’Euro 2020, se fait le porte-parole de cette idée-là: «J’espère franchement que toute la Suisse ne se met plus de limites, appelle-t-il. Je ne parle pas seulement des joueurs, mais également de la nation entière, qui a toujours tendance à se dire qu’elle ne pourrait pas aller plus loin qu’un certain point. Nous savons aussi d’où nous venons et qu’il n’est pas tout à fait normal de gagner contre les grandes sélections. Mais nous ne devons plus nous mettre de barrières.»

La force d’un groupe, aussi, qui se pratique depuis des années. «Chacun se respecte, se connaît, et pas seulement dans les bons côtés, mais aussi les mauvais, ajoute Zuber. On joue ensemble depuis qu’on est jeunes.» Une mécanique bien huilée, qui a évolué collectivement et dans laquelle les nouveaux ont toujours su bien s’intégrer. Pour Murat Yakin, peut-être, les choses ont été un peu compliquées au début: se confronter frontalement à des joueurs comme Xhaka ou Akanji qui affirment vouloir être champions du monde, pas simple. Cela explique aussi peut-être l’échec du Mondial 2022.

«Il y a différents chemins vers le succès, en fonction des caractères des personnes, suggère Steven Zuber. Par rapport au dernier Euro, cela est un petit peu différent: l’équipe, les forces, les caractères.» Il fallait en faire l’alliage: Yakin l’a peut-être compris sur le tard, en s’alignant sur les idées de Xhaka, en poussant Akanji à s’affirmer encore plus. «Je lui ai dit qu’il ne fallait pas qu’il n’y ait que Granit qui prenne des responsabilités», a ainsi expliqué le sélectionneur.

Une saison à gagner

Parce que cet Euro, c’est peut-être l’opportunité ou jamais pour l’équipe de Suisse. Question de génération: pas impossible que certains cadres (Rodriguez, Shaqiri, Sommer) disputent leur dernière grande compétition. Surtout, il y a une concordance de facteurs positifs: jamais les leaders de l’équipe nationale n’avaient réalisé d’aussi bonnes saisons.

Ainsi, Granit Xhaka (Bayer Leverkusen) n’a perdu que deux des 64 matches qu’il a disputés cette saison, club et sélection confondus. Akanji (Manchester City) compte cinq défaites en 61 apparitions. Quant à Sommer (Inter), il ne s’est incliné que deux fois sur les 53 rencontres jouées. À eux trois cumulés, sur cette saison, la part de défaites ne se monte qu’à 5%! Difficile d’être plus convaincus de gagner en entrant sur un terrain, qu’importe l’adversaire.

C’est ce qui fait l’histoire de cette équipe de Suisse de 2024. Pour Granit Xhaka, tout a commencé un jour de juin 2011 à Wembley. Et il n’y a pas de raison que cela se termine samedi à la Merkur Spiel-Arena. Ce n’est même pas une éventualité.

Quarts de finale

2024-07-04T13:16:11Z dg43tfdfdgfd