LE BATEAU «GENèVE» EST AMARRé POUR TROIS MOIS CHEZ VOLTAIRE

L’association qui en est responsable fête à terre ses 50 ans d’existence sociale, en étant hébergée dans les murs de l’Association pour le patrimoine industriel. Affinités électives et accrochage formidable.

L’une des institutions culturelles les plus vivantes de Genève? Sans conteste l’Écomusée Voltaire. On y retourne en sifflotant de plaisir, après avoir remonté à pied la rue du Vuache, qui se termine en impasse, dans un cul-de-sac en forme de cour pavée. Tout ici semble se conjuguer au passé simple, les enseignes, les pubs sur les murs, au lettrage années 50, les vieilles machines dans leur conservation décorative.

Ici, c’est l’Association pour le patrimoine industriel (API). Adresse incroyablement vivante, oui, accueillante par tous les temps, particulièrement ce jeudi 18 avril, à l’heure du vernissage de la nouvelle exposition.

Elle se visite à l’instinct, le parcours n’a rien d’académique, on cherche son chemin entre salle des machines, coursives et pont supérieur. L’impression physique d’arpenter un vieux navire marchand à quai, de dialoguer avec l’équipage, de croiser la capitainerie du port, bref de refaire ensemble l’histoire du fleuron de la flotte lacustre. C’est bien le bateau Genève que l’on fête, au présent, à travers son demi-siècle d’existence associative et sociale.

Une exposition dans l’exposition si l’on veut. Il fallait réussir le mariage des deux, le vintage dans son jus qui flotte et ne coule pas, les carnets de navigation à la boussole et les procès-verbaux des séances sur la vie à bord, quand celle-ci se transforme résolument en lieu d’hébergement pour les plus démunis.

À l’époque, les personnes sans toit ni domicile disposent de cabines, une dizaine dort à même le chantier d’assainissement en profondeur qui vient de commencer. Sur terre, le débat fait rage, relayé par la presse locale, dont les affiches ne font pas dans la dentelle: «Le bateau Genève transformé pour les drogués?» s’interroge la Julie, pendant que «Le Courrier» titre: «Un pasteur chez les toxicomanes».

Le premier capitaine, c’est lui. Il rachète cette épave destinée à la ferraille pour 75’000 francs. Le projet du pasteur Favre tient dans cette conviction: «Pour qu’un toxicomane lâche sa seringue, il faut lui permettre de participer à quelque chose de fort», se souvient Jean-Pierre Baillif, en commentant pour nous cette revue de presse à la stigmatisation frontale.

Trente ans de bateau pour notre interlocuteur, une figure de l’association qui, dès le départ, fait bouger les lignes, notamment celles de l’inconditionnalité dans l’accueil. «Nos premiers passagers ont retapé une grande partie du navire, tous les ponts, la peinture complète», poursuit-il, avant d’ajouter: «C’était l’époque bénie du social, on croyait à l’autonomie des gens. Certains n’ont pas lâché la seringue, d’aucuns ont mal fini, mais tous ont participé à une belle chose. Malgré leur grande précarité, ils avaient encore envie de changer le monde.»

Les mots qui s’échangent sans nostalgie le soir du vernissage et ceux qui se donnent à lire sur les nombreux documents réunis pour le compte de cette exposition assez exceptionnelle. C’est riche, passionnant et drôlement instructif. Le bateau Genève est vraiment fait pour cet espace ramifié à entrées multiples. L’iconographie est à l’étage, des témoignages en vidéo, face caméra, des photographies grand format au tirage couleur. L’ensemble est courageux et digne.

Enfin, il y a toutes les éditions du journal de bord, des pages entières d’aventuriers, de bâtisseurs et de visionnaires. Sur ce bateau, on apprend à se parler, mais aussi à écrire. La dimension narrative est frappante. Elle sert de fil rouge à l’accrochage. Le génie du lieu, ancré dans la réalité, est vraiment poétique. L’édition spéciale de ce journal lacustre, publiée à l’occasion des 50 ans, en est le témoignage éblouissant. À distribuer dans toutes les écoles où l’on enseigne la littérature, le travail social, la solidarité et la tolérance.

L’API, située au 25, rue du Vuache, est ouverte tous les jours de la semaine de 10 h à 18 h. Entrée gratuite. De nombreux événements, également le week-end, sont organisés en marge de cette exposition programmée jusqu’au 9 août 2024. Le site www.patrimoineindustriel.ch renseigne en détail. Ainsi que celui de l’Association pour le bateau Genève, quai Gustave-Ador 1, qui a mis en ligne, sur www.bateaugeneve.ch, la programmation spéciale pour les 50 ans. C’est deux fois très riche et bien pensé.

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