CET HOMME «INDéCHIFFRABLE» VA DEVENIR PREMIER MINISTRE DU ROYAUME-UNI

Keir Starmer est le grand favori pour succéder à Rishi Sunak en tant que premier ministre du Royaume-Uni, ce jeudi. Sauf grande surprise, le leader des travaillistes remplacera les conservateurs, au pouvoir depuis 14 ans.

Le regard franc, les cheveux bien peignés, Keir Starmer est au seuil du pouvoir, la porte est plus qu'entre-ouverte pour le leader des travaillistes du Royaume-Uni. Cet ancien ténor du barreau est pressenti pour indiquer la sortie au premier ministre actuel Rishi Sunak et aux conservateurs ce jeudi 4 juillet.

Le politicien au nom original, qui lui vient de Keir Hardie, syndicaliste écossais et fondateur du Parti travailliste (1856-1915), est issu d'une classe modeste, puis tombé tardivement dans la marmite politique, en 2014. Mais depuis, l'Anglais de 61 ans, s'est forgé une réputation d'enfer pour mettre fin au règne des conservateurs, vieux de 14 ans. Car selon les derniers chiffres, le Labour pourrait rafler 456 sièges sur 650 au Parlement lors des élections générales.

Fils d'un père fabricant d'outils et d'une mère infirmière, le futur premier ministre a souvent été moqué pour sa voix nasillarde et sa posture froide et clinique. Un technocrate coincé, en somme. Or Tom Baldwin, son biographe, interrogé par le Guardian, assure que le bonhomme est un politicien hors du commun.

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Un homme par ailleurs rempli de paradoxes, comme le souligne le quotidien britannique: «Il est le dirigeant du parti travailliste le plus ouvrier depuis une génération et aussi le premier de son histoire à avoir le préfixe "Sir" attaché à son nom avant d’obtenir le poste».

Avant de remplacer Sunak, Starmer s'est empressé de remplacer Jeremy Corbyn, déblayant le parti de l'antisémitisme qui le gangrénait, rapporte le Daily Mail. Un rapport rédigé en 2020 sur des affaires d'antisémitisme au sein du Parti avait éclaboussé ses membres.

Les idées claires et l'ambition de faire avancer ses camarades politiques, Keir Starmer est animé par une grande soif d'ambition, qu'il cultive depuis trois décennies passées à défendre avec succès les droits humains, puis à diriger les poursuites publiques. Un travail acharné pour cet ancien étudiant des universités de Leeds et d'Oxford (un master en poche), qui a été anobli en 2014 par la reine Elisabeth II. Une drôle d'anecdote pour l'ancien étudiant qui fricotait avec les mouvements trotskistes et antimonarchistes.

Tom Baldwin parle d'un homme réservé. Starmer est si économe sur les mots (ils sont pesés, sous-pesés) et les émotions, que Baldwin voulait même intituler son livre The Unpolitician (L’impoliticien), «parce qu’il ne correspond pas au modèle des dirigeants politiques». Il n'est pas de la trempe de ces politiciens à la gouaille travaillée, pressé de sortir la sulfateuse dans les débats. Il n'a pas la langue bien pendue d'un Donald Trump, ni l'élégance d'un Barack Obama.

Son biographe le concède: il n'a «ni une vision grandiose qui se livre en trois mots» pour torcher un slogan, «ni le charisme qui a fait croire à la population britannique que Boris Johnson était imbattable».

«Ses discours sont une musique d’ambiance», s’amuse Sam Leith, journaliste et auteur d’un essai sur la rhétorique intitulé «You Talkin’To Me?», avant qu'un ami d'enfance, interrogé dans The Times, ne le suspecte d'avoir compris que «d'être ennuyeux est un énorme atout».

Le Royaume-Uni semble opter pour la sobriété après les beuveries en période de Covid et les écarts des conservateurs.

Un manque de charisme, mais un homme de parole

Mais cette armure apparente peut parfois se fendre pour ce grand fan de football et du club d'Arsenal. Il s'est fait l'auteur de quelques faux-pas (sur Israël ou encore pour son soutien à un camarde de Parti qui avait formulé des insultes antisémites). Mais l'avocat a fait le dos rond. Si ses détracteurs ont voulu le faire plier, en direct et devant le peuple britannique, il relève avec brio les différents challenges, droit dans ses bottes. Invité de Sky News le 12 juin, Keir Starmer a démontré sa maîtrise l’exercice de l’interview en résistant aux assauts de la journaliste.

S'il est souvent critiqué sur son manque de charisme, toujours est-il que Keir Starmer souhaite se profiler comme un homme de parole. Comme l'écrivait un édito du Spectator, «Starmer a accordé beaucoup d’importance à la perspective de changer la politique pour qu’elle fonctionne correctement (réd: l’économie, les institutions et les services publics)».

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Sa trajectoire politique fait d'ailleurs douter la presse anglaise. Après avoir recentré le parti, après les errances sous la férule de Corbyn, le futur locataire du 10, Downing Street interroge sur sa véritable position. Un autre édito piquant du Spectactor avançait cette formule: «Cela démontre aussi qu'il peut se dérober à n'importe lequel de ses engagements (déjà vagues) en changeant la prémisse qu'il utilise.»

«Ses positions sont tellement contradictoires, manifestement motivées par l’opportunisme»

- The Spectator -

Ses talents d'avocat auraient-ils embobinés les électeurs? Est-il si indéchiffrable comme semble l'insinuer le Spectator?

«Un homme que personne connaît»

Le magazine britannique rajoute une dernière couche, pour clore un édito qui se demande s'il est judicieux de léguer «un pouvoir énorme, à une époque d’instabilité mondiale périlleuse et d’inquiétude sociale, à un homme que personne ne connaît».

L'impression de duperie est présente la veille de son probable triomphe. Or, une chose paraît sûre et pertinente dans le programme de Starmer: il cherchera à produire de la croissance et à renforcer les liens avec l'Europe, décrit The Economist. Tout en évitant de verser dans les grandes promesses difficilement tenables.

L'énigme Keir Starmer (aux tendances de girouette) n'hésitera pas à retrousser ses manches à Westminster, comme il l'a fait dans son propre Parti – une réinvention, cette fois-ci, saluée par la presse nationale. Un tempérament droit et travailleur qui trouve de l'écho auprès des électeurs encore sonnés par le psychodrame du Brexit et des multiples dérives idéologiques des conservateurs.

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