«MON CHAT A DISPARU DEPUIS SAMEDI MATIN»: APRèS LES CRUES EN VALAIS, AMBIANCE POST-APOCALYPTIQUE à SIERRE ET CHIPPIS

Une population sous le choc, des débris à (presque) tous les coins de rue et des ouvriers d'usine au chômage technique: Blick s'est rendu à Sierre et à Chippis, en Valais, le lundi 1er juillet après les inondations de ce weekend. Reportage.

Des gazons ensevelis sous la lie, des objets du quotidien pleins de boue qui jonchent les entrées des maisons et des immeubles: à Sierre et à Chippis, en Valais, rares sont celles et ceux dont l'habitat ou le commerce près du Rhône n'a pas été impacté par les inondations de ce weekend. Dans les bistrots, ça ne parle que des crues. Certains ne peuvent toujours pas rentrer chez eux.

J'arrive à Sierre vers midi: le soleil tape et les rues sont quasi désertes. Seuls quelques riverains désemparés, les pompiers, quelques voitures de police, des hommes de la protection civile et des camions remplis de pierres et de graviers — qu'on a extraits du Rhône pour faire baisser son niveau — peuplent les environs du cours d'eau qui sépare Sierre de la commune de Chippis.

Un officiel, qui supervise la gestion des dégâts non loin du Pont du Rhône, et qui n'a pas souhaité être nommé, confie: «Les deux usines d'aluminium qui sont près du Rhône ont vraiment été fortement impactées. Les gens ne vont plus pouvoir travailler pendant un moment... Quelques commerces environnant aussi, en plus des habitations. Les habitants de Chippis ont été évacués dans la nuit de samedi, mais pas mal de gens n'ont pas souhaité quitter leur logement, malgré le niveau de l'eau impressionnant dans les rues. Elles ont dû signer une décharge pour qu'on les laisse rester...»

Pour rappel, le Rhône est sorti de son lit dans la nuit de samedi à dimanche, provoquant évacuations et dégâts considérables. En cause, des précipitations intenses, la fonte des neiges et des orages. Près de mille personnes ont dû être évacuées à travers le canton et une personne est décédée dans la commune de Saas-Grund. Un homme de 52 ans est toujours porté disparu à Binn. L'alarme a été levée dans le canton, mais la vigilance reste de mise, rappellent les autorités. L'autoroute A9 a quant à elle a été rouverte lundi, à l'exception d'un tronçon entre Sion-Ouest et Sierre-Est. 

«Mon fils est venu me chercher en bateau»

Il vit à Sierre, à quelques pâtés de maisons du Rhône, vers l'arrêt de bus Oasis, et il a été évacué en bateau gonflable dans la nuit de samedi à dimanche, par son fils. Pierre*, qui ne souhaite pas se montrer en photo ou donner son vrai nom, a été notablement impacté par les inondations.

«Ça a commencé vers 2h du matin, d'après mes souvenirs. J'ai eu deux mètres et demi d'eau dans le sous-sol, et ma voiture, qui était dehors, a été complètement noyée! On ne la voyait quasiment plus, sous l'eau... Mon fils est venu me chercher en bateau gonflable dans la nuit, ensuite, c'est la protection civile qui m'a pris en charge à Sierre, là où c'était sec (rire nerveux)».

Et l'octogénaire, qui vit avec sa femme, d'ajouter: «Vous savez, ça fait 50 ans que je vis ici, et je n'ai jamais rien vu de tel! Même les inondations de l'an 2000, ça n'avait rien à voir! Heureusement qu'on n'a que le sous-sol qui a été touché...»

«On déblaie le kiosque depuis ce matin»

Lorsque j'arrive au pont du Rhône, qui sépare les deux communes valaisannes, et qui est toujours bouclé lundi, la protection civile me laisse passer, si je laisse mes coordonnées et assume que je suis seule responsable en cas de décès. Ambiance, mais c'est noté. Juste au bord de l'eau, il y a le kiosque de Lusia.

La femme, qui tient l'échoppe avec son mari, explique: «On a eu de la chance, on n'a eu qu'entre cinq et dix centimètres d'eau à l'intérieur. Heureusement, les portes étaient bien fermées. C'est un ami qui m'a réveillé, vers 2h15 du matin dimanche, pour m'avertir de ce qu'il se passait, comme on n'habite pas dans la commune. On a tout de suite pris la voiture pour venir, mais tout était déjà bouclé, on n'a pu que regarder l'eau ravager notre boutique de loin... Je n'ai pu venir pour commencer à nettoyer ce matin. J'espère rouvrir dans deux ou trois jours.»

«Tous au chômage technique»

José, que je croise devant le café de la Poste — le troquet n'a pas été touché par la crue — travaille dans l'une des deux usines qui longe le Rhône, la Fonderie Novelis. Le lieu a été détruit de l'intérieur: il est inaccessible, ce lundi, et le restera probablement pendant un bout de temps. Tout comme l'usine Constellium, à Chippis, de l'autre côté du Rhône.

L'homme d'origine portugaise confie: «On est des centaines d'ouvriers, dans le coin. Là, on est tous au chômage technique. Dieu sait pour combien de temps. Aujourd'hui, je suis juste passé voir à quoi ça ressemblait, par curiosité. Contrairement à Constellium, nous, on avait pas été touché par les précédentes inondations, il y a plus d'une semaine. Mais là, ça n'a pas manqué.»

José vit lui-même non loin du fleuve. Il a dû évacuer son logement: «Là, je dors toujours chez un ami, comme les autorités ne m'ont pas encore dit que je pouvais retourner chez moi. Ma cave a été inondée, mais pas le reste, heureusement. Par contre, mon chaton a disparu... J'ai quand même pu repasser chez moi aujourd'hui, et j'ai vu qu'il n'avait pas touché sa gamelle. La dernière fois que j'ai vu mon petit Rio, c'était samedi matin. Mais je garde encore espoir.»

Je n'ai pas pu m'approcher de l'usine de José, située du côté de Sierre, et complètement bouclée. J'ai en revanche traîné mes guêtres dans la cour de Constellium, qui longe le Rhône du côté de Chippis. On le voit par les fenêtres: des sous-sols inondés, des documents détrempés qui joncent la cour. Un responsable des lieux m'aperçoit rapidement et me sème de quitter les lieux.

En m'escortant, il confie tout de même: «On a dû retirer des trappes, pour pomper l'eau, on a des trous partout, c'est dangereux, ici.» Combien de temps va prendre la remise en état? «Je n'en ai aucune idée. Demain, on commence le déblayage...»

Mes pieds pleins de boue, je rejoins à nouveau la rue principale de Chippis. Je sens quelques gouttes tomber du ciel: une petite averse est prévue, ce lundi après-midi. Sur la terrasse d'un café, au centre, des clients, abrités sous un large parasol, lèvent les yeux au ciel — visiblement inquiets. Un badaud lance à un autre: «T'imagines, si en plus, ce soir, y'a un gros déluge?» Heureusement, la petite pluie n'aura duré que quelques minutes. Cette fois-ci, du moins... 

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