MéDIAS ROMANDS: LE POISON DE LA DéSINFORMATION

Des propos sur la restauration du nazisme dans les Etats baltes; une chronique insinuant que les Etats-Unis pourraient être derrière l'attentat de Moscou: et si on ne laissait pas tout passer?

Sommes-nous, en Suisse romande, dans l’un de ces comtés de l’Amérique profonde, où l’application de la loi dépend beaucoup des rapports de force locaux? Ces situations où suinte le malaise font généralement de bons scénarios, sauf que le réel n’est pas censé reproduire la fiction.

L'exigence de vérité

Il en va de la vérité comme de la loi. On se doit de la respecter. Si elle n’est pas connue, ou pas évidente, il convient de ne pas prêcher le faux, ni d’insinuer le doute au profit d’une version dont on est bien incapable de démontrer la véracité. Le commerce des vérités alternatives, au prétexte qu’elles ont quelque chose de plausible, est devenu une plaie. Elles participent de la disparition de toute vérité, alors que la notion de vérité ne peut prêter à interprétation. La vérité n'a pas plusieurs définitions.

Les médias, relais de la vérité ou de sa recherche, ne doivent pas flancher face aux entreprises de désinformation. Dans la presse écrite comme audiovisuelle, la chronique est le lieu du pas de côté ou du coup de griffe. Elle est ce moment où l’on fait tomber les masques. Elle peut contenir des erreurs d’appréciation et même verser dans la mauvaise foi. Mais la chronique sort de sa fonction et abuse de son statut lorsque, à propos d'un fait, elle diffuse le faux ou le doute en dehors de tout élément tangible qui pourrait l’étayer de bonne foi.

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Contre-vérité et insinuation

Dernièrement, sur la guerre en Ukraine et l’attentat de Moscou, la ligne qui sépare la recherche de la vérité de son contraire ou de l’insinuation a été franchie.

Une première fois le 17 mars dans l’émission de la RTS «Les beaux parleurs», où un chroniqueur, épousant la propagande russe, a affirmé que l’on assistait à la «restauration du nazisme» dans les Etats baltes – c’est faux, les gouvernements de ces pays ne travaillent pas au rétablissement de régimes nazis.

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Une deuxième fois le 25 mars dans les colonnes de Blick, où, sous couvert de «guerre des narratifs» entre la Russie et l’Occident sur les circonstances de l’attentat de Moscou (seule la Russie déploie des «narratifs»), les lecteurs étaient amenés à comprendre que les Etats-Unis pourraient bien être derrière cet attentat revendiqué par l’Etat islamique au Khorassan. Et comme nul ne peut, à ce jour, apporter la preuve irréfutable que Washington n’a joué aucun rôle dans cet attentat, alors la chose devient possible. Cela s’appelle procéder par insinuation. Comme dans cet extrait:

«Mais depuis 2017, l’EI n’a plus perpétré d’attentat contre les Etats-Unis ou contre des intérêts américains. En revanche, il a été le principal agent de déstabilisation en Asie centrale, ciblant systématiquement des pays ennemis et rivaux de Washington.»

Surréaliste

Il est par ailleurs faux de prétendre, dans la même chronique, que «personne ne sait qui est l’EI (Etat islamique) et pour qui l'organisation œuvre». Cette phrase a quelque chose de surréaliste. De nombreux chercheurs travaillant sur l’islamisme radical ont établi qui était l’EI, apparu en 2006, devenu califat en 2014, et quels étaient son idéologie, ainsi que ses buts.

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Il peut paraître surprenant qu’une telle chronique, jouant sans vergogne avec les codes du relativisme, ait été publiée dans Blick. Comme il peut paraître surprenant que la RTS, après avoir qualifié d’«outranciers» les propos sur la «restauration du nazisme» dans les Pays baltes, ne suspende pas provisoirement leur auteur, familier de thèses complotistes sur les réseaux sociaux, nonobstant des points de vue de sa part n'entrant pas dans cette catégorie, avec lesquels on peut ou non être d'accord. Il serait dommage que nous devenions en Suisse romande le lieu où le relativisme a table ouverte.

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