«ON N'AURAIT JAMAIS PENSé VIVRE çA!»: BLOQUé à COGNE, PRèS D'AOSTE, CE COUPLE A éTé éVACUé EN HéLICOPTèRE SUITE AUX INTEMPéRIES

Alors qu'il entamait un roadtrip dans le Nord de l'Italie, ce couple résidant près de Genève s'est retrouvé coincé à Cogne, à la suite des violentes averses de ce week-end. Anaik et Matthias racontent leur choc et leur évacuation.

En organisant leur roadtrip italien, Anaik et Matthias avaient imaginé des ciels éblouissants, des assiettes fumantes de cacio e pepe, des rangées de Spritz et des traces de bronzage sur une peau gorgée de soleil. Jamais n'auraient-ils pu se douter que ces images façon dolce vita céderaient la place à une nature déchaînée et une rivière suffisamment rugissante pour tout ensevelir sur son passage. 

Car le samedi 30 juin, en garant son van dans le pittoresque village de Cogne, tout près d'Aoste, ce couple de trentenaires résidant à proximité de Genève ne s'était pas inquiété du bulletin météo un brin morose: un groupe d'amis leur avait offert deux nuits dans un bel hôtel pour entamer leurs vacances, et celles-ci semblaient débuter sous les meilleurs auspices, malgré la «légère pluie» qui menaçait. Il en faut davantage pour décourager ce duo de musiciens, fondateurs du groupe de pop-folk Uku et Lily et habitués à parcourir l'Europe dans leur minibus violet (qu'ils surnomment «Hamish»)! 

«J'avais tellement insisté pour réserver ce dernier weekend avant la haute-saison, raconte Anaik. Avec le recul, je me dis que je n'aurais pas dû... Le premier soir, nous avons garé notre van vers un pont, à proximité du village pour aller manger au restaurant. Et en sortant de l'établissement, après le repas, on a vu que les pompiers étaient postés dans le village. On a couru sous l'averse, on n'avait emmené aucun vêtement de pluie... normal, puisqu'on partait en Italie!» 

Une fois à l'abri dans le véhicule, Anaik démarre en vitesse, espérant retrouver rapidement la protection de l'hôtel. Mais l'averse avait déjà provoqué pas mal de dégâts et affolé les habitants: «Alors que je roulais en direction du pont, un villageois nous a fait de grands signes pour nous intimer de ne pas continuer. J'ai commencé à stresser, donc j'ai suivi une voiture devant nous qui partait en sens interdit pour prendre un peu de hauteur et s'éloigner de la rivière, en direction de l'hôtel.» 

Routes détruites, terrains de tennis inondés...

Anaik et Matthias parviennent à rejoindre leur hébergement, garent leur van et se réfugient dans leur chambre. «On est allés se coucher, sans penser un seul instant que les conséquences de ces intempéries seraient si énormes, racontent-ils. La nuit, on a remarqué que l'eau avait été coupée, mais on s'est dit que l'hôtel avait simplement dû rencontrer un problème technique.» 

En vérité, le réseau de fourniture d'eau avait été endommagé par la tempête, alors que le village de 1300 habitants était peu à peu coupé du monde: la seule route reliant Cogne à Aoste avait été ensevelie sous une impressionnante coulée de boue. D'après l'AFP, le village a enregistré, le samedi 30 juin, un total de 90 mm de précipitations en seulement six heures. Ces fortes intempéries, ayant touché la France, la Suisse et l'Italie, ont coûté la vie de sept personnes. 

«Le lendemain, on s'était mis en tête de faire une randonnée, mais on a découvert le sentier et le pont entièrement détruits. Les terrains de tennis étaient inondés. Un couple de touristes nous a expliqué qu'on était bloqués, car la seule route reliant Cogne à Aoste était impraticable. À l'hôtel, l'équipe nous a confirmé que la situation était chaotique et qu'il faudrait plusieurs semaines pour tout réparer.» 

De nature assez angoissée, Anaik sent le stress monter en flèche, face à ce colossal imprévu: «Mais Matthias est resté très positif, relate-t-elle. On a essayé de profiter au maximum des lieux, puisqu'on était quand même coincés dans un magnifique endroit... On a mangé à l'hôtel, où le réseau d'eau n'avait toujours pas été rétabli. Les chefs du restaurant étaient très embêtés, mais ils faisaient comme ils pouvaient, en nous apportant des couverts en carton et en improvisant du café dans de l'eau en bouteille.» 

Évacuation en hélicoptère

Entre temps, de longues files d'attente serpentaient tout autour de l'Office du tourisme de Cogne, alors que des dizaines d'évacuations en hélicoptère étaient organisées de toute urgence: «Nous n'étions pas vraiment pressés, comme on avait le van, au cas où! On a attendu une journée de plus pour laisser la priorité aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux familles. Les hélicoptères passaient sans cesse au-dessus de nos têtes. Petit à petit, on s'est sentis un peu seuls au monde, comme la plupart des touristes avaient été évacués.»

Le couple souligne l'accueil chaleureux des responsables de leur hôtel, La Madonnina Del Gran Paradiso, qui leur ont offert la dernière nuit avant leur évacuation. À 7h30, le mardi 2 juillet, ils font leurs valises en vitesse, disent au revoir au minibus chargé de toutes leurs affaires (dont leurs instruments de musique), et montent dans l'hélicoptère. 

«Hormis des personnes super malpolies qui ont coupé toute la file pour se ruer vers l'hélicoptère en premier, le voyage était très bien organisé, se souvient Anaik. La situation était évidemment dramatique pour le village, mais on a ressenti que les gens se serraient les coudes, les pompiers et les équipes de la Croix-Rouge tentaient de détendre l'atmosphère en faisant des blagues. Nous étions avec un couple de personnes âgées très apeurées, tout le monde essayait de les rassurer.» 

À l'instar des touristes, les habitants de Cogne hésitaient aussi à quitter les lieux, surtout ceux qui travaillent à Aoste: «On a vu des résidents laisser leur domicile avec leur valise et leur chat», racontent Anaik et Matthias, très émus d'avoir témoigné de tous ces dégâts. 

Rester positif et s'adapter

Enfin libérés de Cogne, ils prennent le bus depuis Aoste pour retrouver Genève. Bien trop inquiets à l'idée de retenter un voyage en Italie, mais toujours motivés à vivre ce roadtrip tant attendu, ils décident de changer de destination: dans un van emprunté in extremis, ils parcourront la France. 

«Je suis stressée à l'idée de revivre genre de phénomène imprévisible et extrême, donc on a décidé de changer d'itinéraire pour parcourir l'Ardèche et la Bretagne, précise Anaik. Comme on se projette généralement dans des pays un peu plus lointains pendant l'été, je découvre la France pour la première fois en parcourant mon guide 'Lonely Planet'.» 

Bien qu'elle s'estime évidemment très chanceuse d'être rentrée saine et sauve, Anaik est tout de même bouleversée par les événements, qu'elle analyse avec un maximum résilience: «Tant qu'on ne sentira pas la crise climatique de manière tangible dans notre quotidien, on n'apportera pas les changements nécessaires à préserver l'environnement. Ce genre de phénomènes est terrible, mais, tristement, peut-être qu'ils sont nécessaires pour qu'on se réveille et qu'on aille vers le mieux.» 

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