PEINES DE PRISON APRèS UN ACCIDENT DE TRAIN MEURTRIER

Le drame avait fait 80 morts, en 2013. Le conducteur et un responsable du réseau ferroviaire ont été jugés coupables d'homicides par négligence.

Le train roulait à 179 km/h au lieu de 80 lorsqu’il a déraillé: un conducteur et un ex-responsable du réseau ferroviaire espagnol ont été condamnés vendredi à 2 ans et demi de prison pour un accident ayant fait 80 morts à Saint-Jacques-de-Compostelle, en 2013.

Le tribunal de cette ville de Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, a reconnu les deux hommes coupables d’homicides involontaires, jugeant qu’ils n’avaient pas respecté «le devoir de prudence que leurs fonctions leur imposaient».

Du fait de leur négligence, ils ont «mis en danger» les passagers du train, a ajouté le tribunal, qui leur a interdit d’exercer leur profession pendant quatre ans et demi et les a condamnés à indemniser les parties civiles, via les assurances, à hauteur de 25 millions d’euros.

Vitesse excessive, à un endroit sensible

Le 24 juillet 2013 au soir, le train à grand vitesse Alvia 04155 avait brutalement déraillé à son arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, avant de s’encastrer dans un mur d’enceinte situé à 4 km de la ville, où se rendent chaque année des milliers de pèlerins.

Au total, 80 personnes avaient trouvé la mort dans ce drame ferroviaire, le plus meurtrier en Espagne depuis 1944. Plus de 140 personnes avaient également été blessées.

L’enquête avait rapidement mis en évidence une vitesse excessive, liée à un défaut d’attention du conducteur, qui était au téléphone avec le contrôleur quelques secondes avant l’accident.

Négligence grave

Dans son jugement de 530 pages, le tribunal insiste sur la responsabilité directe de ce cheminot, mais aussi de l’ancien responsable de la sécurité de l’Adif, organisme gérant le réseau ferroviaire espagnol.

Pour le tribunal, le conducteur du train n’a pas respecté «la précaution la plus élémentaire» en répondant au téléphone sans tenir compte de «l’endroit où il se trouvait».

Cette négligence, qui l’a conduit à déclencher le frein d’urgence du train 4 secondes trop tard, est d’autant plus grave qu’il «connaissait» la ligne et savait qu’une «réduction significative» de la vitesse était nécessaire à cet endroit, insiste-t-il.

Portion de voie à risques

L’ex-responsable de l’Adif n’a quant à lui pas suffisamment tenu compte des risques sur cette portion de voie. Le drame n’aurait ainsi pas eu lieu «si des mesures avaient été prises» pour mieux «contrôler la vitesse du train» et «attirer l’attention du conducteur», détaille-t-il.

Interrogé sur la télévision publique RTVE, le porte-parole de l’association de victimes Alvia 04155, Jesus Dominguez, a salué ce jugement. «Evidemment, 2 ans et demi de prison pour 80 décès, cela peut sembler peu» mais la responsabilité des deux prévenus est reconnue «noir sur blanc», a-t-il souligné.

Initialement, 4 ans de prison avaient été requis contre les deux prévenus. Mais à la fin du procès, qui s’était tenu d’octobre 2022 à juillet 2023, le parquet avait retiré sa réquisition contre l’ex-responsable de l’Adif, provoquant l’indignation des associations de victimes.

Verdict «courageux»

«Au final, le tribunal a été très courageux» car il a choisi de reconnaître aussi la responsabilité de l’Adif, s’est félicité Jesus Dominguez.

Lors du procès, le conducteur avait reconnu ses torts et présenté ses excuses aux familles des victimes. «J’avais perdu conscience de l’endroit où j’étais», avait-il déclaré, en larmes, tout en mettant en cause l’absence de système de freinage automatique sur les lieux du drame.

L’ex-responsable de l’Adif, accusé de n’avoir pas réalisé d’étude de risques sur le virage concerné, avait en revanche nié toute responsabilité. La ligne était «100% sûre», sinon «elle n’aurait pas été mise en service», avait-il assuré, en démentant tout défaut de conception.

Cette défense avait été source de tensions et l'homme avait été copieusement insulté à l’issue de la première journée d'audience. Un proche d’une victime, excédé, lui avait même porté un coup à la tête la sortie du tribunal.

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