SPEECH DE JOE BIDEN: VEXé ET FRAGILE, IL NE DIGèRE PAS SA MISE à MORT

Pendant 11 minutes, le verbe sombre, le geste frêle et le prompteur visible en arrière-plan, l'ex-candidat et le président Biden se sont tiré la bourre, cette nuit, pour évoquer le choc de son abandon et la carrière d'un «enfant bègue de milieu modeste». Une allocution ambigüe, touchante, historique.

On l'a prié de tirer la prise, il a fini par s'exécuter. Si le contexte dans lequel Joe Biden a annoncé son retrait de la campagne présidentielle, dimanche soir, ne laissait que peu de doutes quant à son véritable consentement, le discours prononcé cette nuit confirme la présence d'une méchante boule dans la gorge. Humilié par la violente fronde déployée par son propre parti, l'homme de 81 ans ne digère pas sa mise à mort.

«Je crois que mon bilan en tant que président, mon leadership dans le monde, ma vision de l’avenir de l’Amérique, tout cela méritait un second mandat»

- Joe Biden, cette nuit, s'adressant à la nation depuis le célèbre Resolute desk du Bureau ovale. -

Après un abandon et un isolement sanitaire qui a semblé durer trois siècles, Joe Biden s'est adressé à ses concitoyens, depuis ce Bureau ovale où l'on prend l'antenne pour annoncer des gravités. A peine son discours défloré par l'inimitable «My fellow Americans», le monde a compris que l'époque avait déjà changé. Et que Kamala Harris n'a pas attendu bien longtemps avant de le reléguer aux livres d'histoire. Cruel anachronisme pour celui qui jurait, il n'y a pas si longtemps, que seul «le Seigneur Tout-Puissant» avait le pouvoir de l'écarter de sa volonté de régner quatre longues années de plus.

Onze minutes durant, l'ex-candidat et le président toujours en fonction se sont tiré la bourre. Pas tout à fait à la retraite, mais pas tout à fait maître à bord, Joe Biden a invoqué ses prédécesseurs, de Jefferson à Lincoln, pour dessiner les contours solennels de cet instant.

Avant de lâcher les chiens.

«Je vénère cette fonction, mais j'aime encore plus mon pays. Ce fut l'honneur de ma vie de servir en tant que votre président. Mais pour la défense de la démocratie, qui est en jeu, je pense que c'est plus important que n'importe quel titre»

- Joe Bien -

C'est un président américain déstabilisé et poussé dehors qui a pris la parole. Le premier à ne pas briguer un second mandat depuis 1968 et l'abandon du démocrate Lyndon B. Johnson. Et c'est là toute l'ambigüité de l'exercice. Entre le message d'un otage politique écrit par ses ravisseurs et l'oraison funèbre prématurée, Joe Biden n'a pas su choisir.

Et c'est dans ses propres mots que le paradoxe déboule bruyamment. Après avoir avoué qu'il était digne de rempiler, il considérera que «rien ne peut nous empêcher de sauver notre démocratie». C'est peut-être un détail et sans doute ne l'a-t-il pas fait exprès, mais Joe Biden semble penser ici que tout ce qui méritait un second mandat est aujourd'hui un frein à la sauvegarde de la démocratie.

«J'ai donc décidé que la meilleure façon d'avancer était de passer le flambeau à une nouvelle génération. C'est la meilleure façon d'unir notre nation»

- Joe Biden -

Unir la nation, mais surtout un parti en crise de foi depuis de longues semaines. Cette décision, qui n'a jamais été la sienne, permet aujourd'hui aux démocrates d'espérer viser la lumière en prenant une large bouffée d'air frais. Et l'atmosphère qui planait dans ce Bureau ovale leur donne une nouvelle fois raison. Un souffle bruyant dans le micro poussé au maximum, le prompteur visible dans la fenêtre en arrière-plan, le regard à peine décalé de l'angle de la caméra, Joe Biden n'était pas dans son assiette. Les Américains ont retrouvé finalement celui qui n'en menait pas large, face à Donald Trump, lors du premier débat présidentiel qui a précipité sa chute.

Un Donald Trump que le président n'a pas voulu nommer dans son discours, mais qui hantait son verbe dès qu'il a fallu évoquer les conséquences de cette élection présidentielle, où «la nature même de ce que nous sommes est en jeu».

«Ce qui est formidable en Amérique, c'est qu'ici, ce ne sont pas les rois et les dictateurs qui gouvernent, mais le peuple. L'histoire est entre vos mains. Le pouvoir est entre vos mains»

Joe Biden en a profité pour rappeler qu'il a un mandat à terminer. Six mois durant lesquels il ne bénéficiera plus de l'aura du patron des Américains, mais aura toujours la stabilité du monde entre ses mains. Ukraine, Gaza, un peu d'écologie, de pouvoir d'achat et de medical care garniront ainsi un agenda qu'il sera pourtant compliqué de faire entendre, alors que ce monde est aujourd'hui pendu aux lèvres d'une Kamala Harris terriblement dynamique, martelant que «We Are Not Going Back».

Kamala Harris est une «morveuse» qui a déjà trouvé son cri de guerre

Bien sûr, le slogan de sa vice-présidente, dévoilé mercredi durant son premier meeting de campagne, était destiné aux années chaotiques de l'ère Trump. Mais ne pas «revenir en arrière», c'est désormais aussi archiver l'idée que le démocrate de 81 ans fut, un temps, la seule arme suffisamment crédible pour terrasser l'autocrate en puissance et «sauver la démocratie». Cruel, pour un homme politique pour qui «ça a été le privilège de ma vie de servir cette nation pendant plus de 50 ans».

Et puis, qu'on le veuille ou non, cette nuit, Joe Biden a fait ses adieux au peuple américain. Disons plutôt qu'il a commencé à les faire. Cet «enfant bègue», issu d'un «milieu modeste» a néanmoins pu «s'asseoir derrière ce bureau», dira ce pur produit de l'Amérique des possibles, en conclusion d'un discours en demi-teinte.

Manifestement ému et terriblement conscient de son heure qui sonne fort, ce fada de crème glacée était entouré de sa famille, dans le Bureau ovale, pour tirer la prise le plus dignement possible. Son épouse Jill bien sûr, mais également son fils Hunter, sa fille Ashley et sa petite-fille Finnegan, en larmes une fois les caméras éteintes.

Impossible aujourd'hui de savoir dans quel état ce discours de onze minutes va atterrir dans les livres d'histoire. Pour cela, il faudra notamment patienter jusqu'au 5 novembre et la preuve que cette mise à mort décidée par le parti démocrate fut la bonne décision à prendre. Et Donald Trump compte bien désacraliser cet instant, en posant une nouvelle fois ses valises dans ce même bureau.

«Le discours de Crooked Joe Biden depuis le Bureau ovale était incompréhensible»

- Donald Trump, sur Truth Social -

Ironie du sort, et fidèle à lui-même, le candidat républicain s'est laissé photographier à côté de son écran de télévision, alors qu'il suivait depuis les airs la prise de parole de son ancien meilleur ennemi. C'est sans doute la dernière fois qu'il aura à viser Joe Biden, dans un énième ricanement qui flotte de nouveau au-dessus de sa hargneuse campagne.

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