VOTATIONS: LA MAJORITé SILENCIEUSE A DES FINS DE MOIS DIFFICILES

Face à l'inaction des élites bourgeoises, l'initiative des 10% pourrait bien suivre celle sur la 13e AVS.

«Il ne pleut que dans les grandes gouilles». Cette expression proverbiale typiquement romande signifie que l'argent va toujours à l'argent. Cette sagesse populaire a traversé les époques. Aujourd'hui, elle trouve un nouvel écho dans la façon dont l'économie est dirigée, et ce, depuis plusieurs années.

Quelques semaines avant la votation sur la limitation des primes maladie à 10% du revenu, la publication des statistiques de l'USS sur l'évolution des salaires n'est pas un hasard. Il a davantage plu dans les grandes flaques que dans les petites! Les hauts salaires ont bien augmenté. En fait, ils se sont augmentés eux-mêmes. Mais le milieu et le bas du tableau sont dans une situation moins bonne qu'il y a dix ans. Loyers, impôts, primes maladie et autres dépenses captives pèsent sur les budgets. Là-dessus, le patronat a fait la fine bouche pour indexer les salaires à l'inflation.

Influence du revenu

L'acceptation par le peuple la 13e rente AVS est survenue dans ce contexte de lassitude. La votation sur l'initiative visant à limiter les primes maladie à 10% du revenu pourrait prendre le même chemin. En analysant les premiers sondages, on constate que l'opinion des personnes est autant, voire davantage influencée par leur revenu que par leur appartenance partisane.

Ainsi, le soutien à l'initiative est de 75% chez les personnes qui gagnent moins de 4000 francs par mois (les minuscules gouilles), mais il n'est plus que de 31% pour celles qui gagnent 16'000 francs et plus (les très grandes gouilles). Comme pour la 13e rente AVS, les sympathisants de l'UDC sont en porte-à-faux avec leur parti en soutenant à 52% l'initiative. Ceux du Centre encore plus avec 57%.

L'aveuglement de l'élite

Alors qu'une majorité de la population avait reconduit un Parlement un peu plus à droite au mois d'octobre dernier, ce même peuple s'est détourné des mots d'ordre des partis bourgeois pour introduire le supplément de retraites. L'initiative des 10% a de bonnes chances, car l'élite des partis bourgeois cultive une forme d'aveuglement face à la situation de leur base, qui souffre économiquement.

Peanuts et pot de confiture

Quand Sergio Ermotti, le patron d'UBS, annonce un revenu de 14,4 millions de francs pour les neuf mois qu'il a travaillé en 2023, cela sonne comme une aberration. Pourquoi cet homme, au demeurant sympathique, a besoin d'autant d'argent? Qui décide de le lui donner? Comment expliquer que la Confédération a offert Credit Suisse à UBS pour des peanuts, et qu'aussitôt ses dirigeants se servent à pleine main dans le pot de confiture?

«Ce n'est pas le peuple qui a changé, mais la réalité dans laquelle il vit», a dit mardi Pierre-Yves Maillard lors de la conférence de presse de l'USS. Dans les urnes, la majorité silencieuse qui décide n'est pas ou plus celle du Parlement, mais celle qui connaît des fins de mois difficiles.

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