DESIGN PARADE 2024, LES LAURéATS ET NOS COUPS DE CœUR

C’est peu dire que le festival Design Parade, fondé et dirigé par Jean-Pierre Blanc et présidé par Pascale Mussard, est un rendez-vous attendu dans le calendrier annuel du design et de l’architecture d’intérieur. Il délivre chaque année un aperçu de la jeune création contemporaine, offrant à travers son concours une vitrine et un accompagnement uniques à vingt jeunes professionnels. Un festival qui se veut aussi un moment de partage, de rencontres et de découvertes, précieux pour les créateurs comme pour le public. Nous vous livrons l’intégralité du palmarès des lauréats ainsi que nos coups de cœur.

Les lauréats

Grand Prix Design Parade Toulon Van Cleef & Arpels : Willie Morlon – Placo studiolo

Placo Studiolo, c’est cette pièce d’été d’une villa de la Riviera où l’on vient s’abriter du soleil, entre jardin d’hiver et patio couvert ultra rafraîchissant au style brut et précieux, délicieusement léger et romantique. Brut, parce qu’il est réalisé en Placoplâtre du sol au plafond avec marqueterie de BA13, polystyrène d’isolation pour ses pièces de mobilier et sangles de chantier de Nicolas Zanoni. Précieux, parce que les accords de couleurs délicates le disputent aux motifs de fleurs qui s’entrecroisent dans un minutieux travail d’inclusion et d’assemblage. La proposition de Willie Morlon consiste à faire beau à peu de frais et faire frais avec du beau. Aucun marbre n’a souffert pour cette réalisation et c’est là tout son art.

Prix Visual Merchandising décerné par Chanel : Romain Joly et Lisa Bravi – Mistralou

Rien n’est droit, tout est soulevé, en lévitation. Des livres sont au sol, des feuilles ont volé, le sol en est jonché, vite, les fenêtres, il faut les fermer, le Mistral s’est levé. Dans cet intérieur provençal reconstitué, ni ocre ni carrelage, nous sommes en automne, dans la bibliothèque, et c’est une image du sud jamais traitée que nous offrent à contempler Romain Joly et Lisa Bravi. Avec une acuité et une exécution de haute volée. Ils ont compris que le vent aussi façonne le sud, son paysage comme ses intérieurs. Le mobilier, tout en boutons enfilés ajoute par touches une préciosité et un chic que l’on goûte quand le calme est revenu. Sacré Mistralou.

Prix du Mobilier national et Dotation de la Fondation Carmignac : Anaïs Fernon – À la fraîcheur de la situation

C’est une pièce tout en sensualité tenue que nous livre Anaïs Fernon. Celle de la sensation de chaleur sur notre corps, du besoin que l’on ressent d’un peu de fraîcheur. Les murs sont ocre, dans un dégradé qui s’éclaircit jusqu’au blanc, près du sol ,en faïence émaillée. C’est là que l’on se tiendra, assis ou allongé devant la fenêtre traversée par un léger courant d’air filtré par deux rangées de rideaux : une moustiquaire pare-feu parée de pampilles d’aluminium miroir pour renvoyer les rayons directs vers l’extérieur et un voile formé de cordons de lin et de barrettes de terre cuite chaulées, trempées d’eau par un goutte-à-goutte. Devant la fenêtre devenue âtre d’eau, on se rafraîchit au contact de l’air et de l’eau. Ici, tout n’est que sensations.

Prix du Public de la ville de Toulon : Clément Rouvier – On Air

On air. Parce que l’air est ce que l’on hume en premier lorsque l’on atteint le sud. Cet air léger, aromatique, emblématique. Est-ce cet air que sont venus trouver les Rolling Stones à la Villa Nellcote de Villefranche lorsqu’ils ont enregistré quelques sessions pour l’album Exile on Main St. en 1971 ? Sans air, pas d’ondes sonores, indispensables à la musique. C’est donc un paradis musical que nous entraîne Clément Rouvier. Et que ce pas de côté en Méditerranée nous enchante ! Au cœur de ce havre tissé de notes, un totem, gardien de mélodies antiques, exhale lumière, vent et son. Autour, des fragments de terre cuite, des guitares en brique prêtes à jouer, un lithophone en pierre prélevée dans les hauteurs varoises et, suspendues pour refléter la lumière du soleil, des cymbales. Ce studio de musique métamorphosé et aux aspérités méditerranéennes est la proposition la plus décalée. Elle sonne incroyablement juste.

Grand Prix du Jury Design Parade Hyères : Sacha Parent & Valentine Tiraboschi – Décor par le Sable

Il est ici question d’ornementation contemporaine. Associant les savoir-faire du staff, de la porcelaine et de la fonderie à un processus de génération de forme par écoulement de sable, Valentine Tiraboschi et Sacha Parent élaborent une grammaire ornementale appliquée qui lie designers et phénomènes naturels dans une coproduction créative. Par leur moulage, ces ornements de sable sont transposés dans des objets aux matières nobles en lien avec nos intérieurs : des bougeoirs, des plats, des miroirs, des chapiteaux… Ils forment un dispositif vitaliste et éphémère qui nous interroge sur l’uniformisation des vocabulaires formels et la standardisation des modes de production contemporains, replaçant la nature au centre de la production des artefacts qui nous entourent. Derrière le manifeste, une poésie folle.

Prix Tectona : Gabriel Hafner – Table pour un repas estival

Il avait pensé à une grande natte pour manger dans l’herbe parce que l’été c’est cela : pique-niquer sur la plage ou dans les champs. On lui avait rappelé que le brief était strict, il devait réaliser une table, avec des pieds, autour de laquelle rassembler des chaises pour manger à hauteur d'assise. Gabriel Hafner a donc imaginé une table-natte en tressage de bois et de fibres fixée à un piètement de bois naturel. Comment dire qu’il rassemble là toute la légèreté, la simplicité des déjeuners d’été dans un imaginaire ensoleillé unanimement partagé ? C’est ce qui s’appelle répondre exactement au sujet, un petit twist et de l’humour en plus.

Prix du Public de la ville de Hyères : Juliette Rougier – Alto

Chaque jour, les manufactures d’anches d’instruments à vent mettent au rebut des centaines d’anches comportant des défauts de fabrication ou des taches. Fabriquées en canne de Provence, plante vivace endémique de la Méditerranée, elles sont ensuite tout simplement brûlées. Voilà le point de départ d’Alto, un petit cabinet aux lignes graphiques et contrastées grâce aux motifs rythmés des anches entaillées et brunies par le soleil posées de façon alternée dans une forme renouvelée de marqueterie, à la croisée entre design, art et artisanat. En détournant ces « indésirables » et en les travaillant selon les codes de la marqueterie, Juliette Rougier réintègre ces rebuts à un nouveau processus de création, dans un échange entre le territoire méditerranéen et son histoire, entre un matériau déclassé et un artisanat perpétué dans une réinterprétation contemporaine des savoir-faire traditionnels.

Nos coups de cœur

À Hyères, c’est la finitude des choses et plus particulièrement du sacré qu’interroge Alex Sinh NGuyen à travers Reliques Galvaniques, une installation de modules ciselés formant un squelette de céramique émaillée qui évoque un trône religieux tout de métal au reflets mordorés. Il faut y voir une évocation de ces échafaudages qui entourent et soutiennent les édifices religieux malades et « sous perfusion métallique ». Réalisée à partir d’une dizaine de modules répétés et assemblés, la pièce semble à la fois si fragile – elle l’est – et tellement indestructible de par son aspect métallique, la croix en son sommet paraissant au choix dérisoire ou rassurante. Une réalisation hors-pair pour un questionnement puissant.

Hors compétition, les lauréats de la Dotation de la fondation Carmignac et du Prix Tectona de l’édition 2023, Lou-Poko Savadogo et Lucien Dumas ont été rejoints par Ophélie Dozat pour livrer Habiter (avec) l’île de Porquerolles, un lit de repos entièrement réalisé en troncs de chêne liège débités en planches empilées pour les faire sécher. Le baldaquin est constitué d’écorces, aplaties pour les faire sécher également, elles servent à procurer une ombre bienvenue. Deux oreillers remplis de brisures d’écorce et de bois accompagnent le repos. Cet objet total, c’est aussi un rappel que malgré des ressources endémiques abondantes, l’île ne possède pas les équipements permettant l’exploitation de cette richesse naturelle. Un design qui pose les bonnes questions, en écho avec les œuvres de nombreux finalistes de Toulon et de Hyères cette année, de même qu’avec Chêne & Liège, la proposition créative de Noé Duchaufour-Lawrance à Hyères l’an passé. Puisse la caisse de résonance que constitue Design Parade amplifier et faire entendre le message.

Design Parade Toulon, expositions ouvertes jusqu’au 3 novembre 2024.

Design Parade Hyères, expositions ouvertes jusqu’au 1er septembre 2024.

villanoailles.com

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