LA RESIDENCE VUE MER DE MARION MAILAENDER à DESIGN PARADE

Sur le palier en tomettes, carreaux de céramiques bleu et porte en chêne foncé, on se penche sur l'interphone en laiton doré pour s’annoncer. On ne trouve pas M. Mailaender. Osera-t-on sonner chez C. Scarpa ou B. Knowles ? Il paraît que tout le monde se connaît dans l’immeuble, ils ont peut-être une clé… Ah ! La porte est ouverte, on peut entrer. À gauche, un grand rideau imprimé de photos comme une baie vitrée ouverte sur la mer, en face, un bureau (d’architecte, bien sûr), à droite, un vaste canapé plateforme où s’allonger, se poser en tailleur bref, se détendre seul ou à plusieurs, en toute liberté. Une notion chère à Marion Mailaender, avec l’humour, l’amitié, le sens de la fête et la place accordée aux références et aux souvenirs. Cet « appartement idéal » est à peine idéalisé : entre terrain d’expérimentation et champ d’application, il nous plonge dans les souvenirs comme les réalisations de l’architecte et designeuse qui se plie à l’exercice de la carte blanche comme on se met à nu. « La Méditerranée est aussi un lieu où l’on habite, vit et travaille, ça n’est pas seulement un lieu de vacances… », aime-t-elle à rappeler. Nous évoluons donc dans un intérieur qui est un autre point de vue sur la Méditerranée, centré sur des bâtiments de la seconde moitié du XXe siècle qui incarnent un certain rêve français associé aux vacances, à l’opulence des Trente Glorieuses et au quartier dans lequel elle a grandi à Marseille, façonné par cette architecture « de standing » des années 1970. Entre mythologie personnelle et légende contemporaine autour de l’habitat collectif des villes côtières, on déambule dans la tête de « M. Mailaender », comme il est écrit sur l’interphone. On croise donc, sur un tapis humoristique, une table d’architecte d’Italo Rota, plus loin sa fameuse chaise Superpesante et, après le tableau Chardons et coton-tige d’Hubert Marot, une suspension tout en lunettes de soleil et une niche pour chien de Willy Guhl. Parce que les époques sont faites pour se répondre, et que toujours « fun follows function ». La cuisine nous donne à voir un plan de travail en patchwork de marbre provençal qui nous rappelle le goût de la designeuse pour le réemploi et le sourcing local. En face un ensemble table + assises aux formes triangulaires et biseautées qu’elle a créé pour une scénographie de ballet et qu’elle pourrait bien éditer à l’avenir. Au mur des bouteilles et des flacons en onyx, lapis lazuli, jade, serpentine, quartz de Théo Mercier. Dans la salle de bains, une barre de danse sert à accrocher sa serviette, au-dessus le fameux Miroir K 2000 et avant d’accéder à la chambre, des balustres en savon… de Marseille bien sûr. « Beaucoup de détails apportent un équilibre entre les choses brutes, expérimentales ou locales et les réalisations sophistiquées obtenues avec des artisans. » Ainsi du lit en BA13, extrapolation de ses lampes Architecture à emporter, ou d’une lampe et d’un banc en bronze réalisés avec Maison Intègre. Dans les dressings façon vitrine, des costumes de Jean-Charles de Castelbajac, autre virtuose en humour et sens du décalage. Le sens de cette carte blanche pour Marion Mailaender ? Prendre la parole sur un sujet sur lequel elle ne pourrait pas travailler dans un autre contexte. « L’occasion d’expérimenter d’après des idées et des aménagements qui pourront trouver leur application dans de futurs projets. » Dernier contre-pied, on sort par une penderie façon porte dérobée, parce que ce lieu, comme dans tous ceux dans lesquels elle intervient, Marion Mailaender le prend avec ses contraintes, dont elle fait une force.

Résidence vue mer jusqu’au au 3 novembre 2024, Ancien Évêché, 69 cours Lafayette, Toulon.

villanoailles.com

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