À TUNIS, UN PALAIS TRANSFORMé EN DEMEURE MINIMALISTE PAR JOHN PAWSON

À Tunis, un palais réhabilité par John Pawson

Il y a vingt ans, un consultant parisien s’éprend de Tunis et s’offre ce dar (palais tunisien) traditionnel situé dans la médina. La vieille ville, dont la fondation remonte au VIIe siècle, est l’une des plus antiques du Maghreb, la place forte des puissantes dynasties qui s’y sont succédé. Avec ses souks, ses mausolées, ses monuments et ses portes, la médina de Tunis est l’une des mieux préservées du monde musulman. Inscrite depuis 1979 au patrimoine mondial de l’humanité, avec ses rues sinueuses et ses quelque 100 000 habitants, la vieille ville peut sembler un choix incongru pour y implanter sa maison de vacances. Mais le cœur a ses raisons...

Un palais abandonné

Comme toutes les belles demeures de la médina, ce dar se trouve au fond d’une impasse. Passé une imposante porte en bois cloutée, un boyau sinueux mène, via une série de grilles, vers une cour intérieure. Ce volume de neuf mètres carrés, au-dessus duquel s’étend l’azur du ciel, fait songer aux œuvres minimalistes de Donald Judd. L’oranger en feuilles qui trône au milieu du patio contraste avec la rigueur des lieux, offrant à ses propriétaires l’ombre, le parfum délicat et, la saison venue, une succulente marmelade d’oranges amères.

Cette demeure, achetée à l’ancien postier et sa femme qui y vivaient seuls depuis le départ de leurs enfants, n’avait pour eau courante que celle du puits, et une installation électrique spartiate. Un décor décati, mais enchanteur. Au premier étage, laissé à l’abandon depuis la Seconde Guerre mondiale, on pouvait encore lire des graffitis laissés par des soldats allemands. La proximité de la grande mosquée de la Zitouna laisse à penser que ce dar fut autrefois la demeure d’un cadi, l’un de ces magistrats religieux qui jouaient un rôle clé dans la cité musulmane. Les travaux de reconstruction nécessaires ont duré trois ans.

Dans tout le palais, les vides et les pleins s’organisent autour de ce pivot qu’est la cour, à la fois point de passage et lieu de vie.

La ruelle jouxtant le grand souk, les matériaux ne pouvaient être acheminés que le dimanche, unique jour de repos de cet immense marché. Trouver un moyen de rallier la terrasse a été un autre défi, en raison des six mètres de hauteur sous plafond et du vieil escalier impraticable. John Pawson a alors eu l’idée d’abattre certains des murs de la cuisine afin de laisser suffisamment de place à un escalier sculptural, qui fait siens certains codes de l’architecture traditionnelle. Enchâssé de murs blancs, l’escalier noue un dialogue entre la lumière et l’ombre et jette un éclairage contemporain sur cet agencement ancestral. Dans tout le palais, les vides et les pleins s’organisent autour de ce pivot qu’est la cour, à la fois point de passage et lieu de vie à part entière.

Un toit-terrasse sur la médina

John Pawson s’est intéressé à l’histoire et aux techniques architecturales de la médina. Ici, les quatre portes-miroirs du patio donnent sur de longues pièces étroites et hautes de plafond, avec de nombreuses moulures en ogives et des poutres. Le patio ouvre également sur une deuxième aile de la maison, où se trouvent un hammam encore en construction, une chambre et, à l’étage, un salon. La table et les bancs du patio, dessinés par John Pawson expressément pour les lieux, ont été réalisés par des artisans tunisiens à partir de pierre locale, tout comme les éviers, les baignoires et les lits. D’imposants monolithes en pierre servent de cloisons et se doublent de discrets rangements et dressings.

En traversant le patio, on accède à la cuisine, presque entièrement ouverte sur l’extérieur, ainsi qu’aux escaliers qui conduisent vers les terrasses. C’est ainsi qu’on atteint l’atelier-bibliothèque du propriétaire, avec sa chambre surplombant le patio. Par une volée de marches, on rejoint l’endroit le plus cher au cœur du maître des lieux : une terrasse sur les toits, meublée d’une cuisine et d’une douche donnant sur la médina. Avec leurs carreaux, leurs portes bleues et le patio, les quartiers du gardien rappellent l’esprit des lieux. Le calme ne laisse rien deviner de l’activité frénétique du souk, pourtant situé à quelques pas. Seuls les appels du muezzin viennent de temps à autre rythmer cette étonnante demeure.

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