LAUSANNE: IL Y A 40 ANS, RADIO ACIDULE DéBARQUAIT SUR LA FM!

La station associative vaudoise a marqué son époque. Inaugurée le 24 avril 1984, elle a aussi permis à de nombreux jeunes passionnés de faire carrière.

Il y a quarante ans, jour pour jour, le 24 avril 1984, débarquait Radio Acidule sur la bande FM. Basée à Lausanne (VD), dans les sous-sols de la Maison du Peuple, la station associative, soutenue et financée par le POP, le PS et la ville de Lausanne - alors à droite, rappelons-le - connaissait des débuts un peu chahutés. Quelques mois après le lancement de la radio, les journalistes professionnels qui y oeuvraient quittaient le bateau. Ce sont alors de jeunes (et moins jeunes) passionnés de radio, bénévoles, qui vont se lancer sur Acidule. Tous profiteront de ce formidable espace de liberté mis en place par la directrice de la station, Christiane Jaquet. Une occasion fantastique pour apprendre, sur le tas, les métiers de la radio.

Entre alors en scène un certain Jean-Marc Richard: «C'est à cette époque que je suis arrivé chez Acidule, se souvient l'actuel animateur de la RTS. Par le biais du mouvement Lôzane Bouge et de la Dolce Vita (N.d.l.r.: une boîte alors très en vogue dans la capitale vaudoise), j'y ai fait mes premiers pas. J'ai d'abord animé une émission rock. Après quoi, j'ai pris en main les émissions politiques. Puis la matinale de la station. Je me souviens d'ailleurs du premier jour de cette dernière. Je n'avais rien, pas encore vraiment d'équipe. Tout juste de quoi faire une revue de presse», s'amuse-t-il.

La parole à tout le monde

On devra à Jean-Marc Richard les retransmissions en direct des séances du Conseil communal de Lausanne - une première - mais aussi de nombreux débats dans le cadre de l'émission «En dépit du bon sens, la vérité décolle mieux par vent contraire», animée souvent en direct et en public de la place de la Palud. Les conseillers communaux mais aussi tous les représentants de la société civile y intervenaient. «Nous donnions la parole à tout le monde, sans exception. Et nous travaillions avec de simples lignes téléphoniques. Notre technicien Eric Jutzet faisait des miracles en régie», se souvient Jean-Marc Richard, lauréat du prestigieux prix Goretta en 1990, pour son portrait délicat d'une malade atteinte du Sida.

Le sport a également fait les belles heures de Radio Acidule. Notamment, les retransmissions des 20 kilomètres de Lausanne en direct et des matches du LHC, commentés avec une folle énergie et passion par un duo inoubliable, les Goaléadors, composé du regretté Paul Magro et de Jean-Marc Richard. «Là aussi, on utilisait une simple ligne téléphonique. Un soir, lors d'un match à l'extérieur, on avait tiré 600 mètres de câbles pour pouvoir assurer le direct. C'était fou! Paul était un passionné», raconte l'actuel animateur de «La ligne de coeur».

La loi de la débrouille

A la tête des Sports sur Acidule, Patrick Zanello raconte: «Nous n’avions pas de moyens techniques, financiers et pas de réseaux. Mais nous étions, avec la bande de potes qui m’accompagnait, malins, capables de se brancher sur une cabine téléphonique pour assurer un live, aller au culot à la rencontre des plus grands sprinteurs d’Athletissima ou capables de nous mettre sur le banc des joueuses de l’équipe de volley du Brésil pour commenter un match.»

De nombreuses émissions, telles le «Journal des Sports», «Aquarium» ou «Honni soit qui voile y pense» ouvraient leurs micros aux clubs de la région. Et à tous les sports, même les moins médiatisés en ces années-là. «C'étaient mes débuts, explique Olivier Delapierre, bien connu des auditeurs de LFM. J’amenais les sujets et les invités en direct, avec Michel Andrey qui animait notre rendez-vous consacré à la voile. Il y avait en régie un jeune technicien qui faisait un apprentissage de radio électricien.»

Lors des fameux matches du LHC, le futur journaliste de la RTS, Maïque Perez, était derrière la console, en régie: «J’avais 15 ans et j’étais encore écolier. Et c’est par le biais de Samy El-Zein (avec qui j’étais à l’école) que j’ai découvert Radio Acidule (...) Ce sont mes débuts dans le monde des médias, la découverte d’un univers passionnant, des rencontres et des liens qui durent encore. De manière plus générale, c'était un laboratoire extraordinaire qui permettait à chacun de s’exprimer, peu importe le style ou l’origine, peu importe le niveau.»

D'ici... et d'ailleurs

Mais Radio Acidule, fort de ses près de 150 bénévoles - animateurs, producteurs, journalistes, programmateurs -, c'était aussi beaucoup d'autres émissions représentatives de la société d'alors. A commencer par celles conçues et animées par les communautés étrangères de la région. On notera, entre autres, «Antena portuguesa», «Camaleón» (pour les Espagnols, avec Joaquim Fernandez), les émissions musicales africaines, italiennes ou encore «Judaïca»: «C’était l’esprit pionnier, grâce à Acidule. Nous avons pu être la première émission radiophonique pour la communauté juive de Suisse romande», explique l'animateur du talk-show, Frank Melloul, devenu président de la chaîne d'information internationale i24news.

L'Université de Lausanne y a également lancé «Fréquence Banane». La radio du campus apparaissait alors sous forme d'émission sur Acidule. Y firent leurs débuts, Fathi Derder, Isabelle Falconnier, Nicolas Dufour et Eva Grau.

Une liberté absolue

Avec cette envie d'ouvrir ses portes à tout le monde, Acidule a beaucoup parlé de culture. «Le magazine Cinéma», «Le journal Culturel», «Insecticide», «La vie commence à 60 ans» sont autant de rendez-vous qui montraient la diversité de l'offre de la région lausannoise. Avec humour, «Carton, pâtes et léphant ridé», où l'on découvrit notamment Manon Schick, actuellement à la tête de la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse de l'Etat de Vaud, et le comédien Karim Slama, aussi.

La musique avait également sa place. «C'était la liberté absolue. Je n'ai pas le souvenir qu'il y avait une influence ou une autre, même politique. Pas d'enjeux économiques sous jacents pour finalement influencer la pensée», se souvient Alex Crément, animateur de l'émission rock déjantée «Zebra 3». On se rappelle aussi de «Pitié pour le chanteur» dans laquelle le présentateur mal-voyant, Pierre Piguet, recevait les artistes d'expression française. Un certain Pascal Obispo y a donné une de ses premières interviews, lui qui se produisait à ses débuts au cabaret des Faux Nez, rue de Bourg à Lausanne.

Acidule et après?

Durant près de douze ans, Radio Acidule a marqué les ondes FM par son ton pas comme les autres. Par ses audaces, par ses provocations. Mais aussi par son envie de rassembler, de raconter et de témoigner. «Il manque assurément une radio associative de ce type aujourd'hui. Il y en a encore en Suisse alémanique et à Genève. Mais il serait bien d'en créer une nouvelle, sans doute supra-régionale», constate Jean-Marc Richard.

Que reste-t-il aujourd'hui de l'aventure Acidule, qui s'est achevée à l'été 1996? «Les souvenirs d'une époque libre révolue mais qui va inévitablement refaire surface. La vie n'est-elle pas cyclique?», espère Alex Crément. Pour Frank Melloul, «il y avait une âme dans cette station, donc il en restera toujours quelque chose!» «Les jeunes actuel ne connaissent pas Acidule, constate Olivier Delapierre. C'était les débuts de la FM, une magnifique aventure. C'était une époque extraordinaire de créativité.» Et Patrick Zanello de conclure: «Radio Acidule est comme une légende urbaine: certains en parlent encore avec des étoiles dans les yeux. Pour ceux qui ont eu la chance d'y participer, elle reste un chapitre aussi délicieux qu’un bonbon acidulé, doux à l’extérieur, fort à l’intérieur.»

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