«ON N'A PAS ENCORE ESSAYé», UN REFRAIN SI VIDE POUR VALIDER LE RN

Pourquoi ne pas essayer, après tout. Pour justifier le basculement, le refrain choisi par les électeurs RN respire un vote d'impuissance, mais aussi un grondement profond, quitte à raviver les démons du passé.

Le macronisme a rendu l'âme et le ballet des extrêmes s'est inscrit dans le débat public. Si bien que les footeux de l'équipe de France, par le biais de conférences de presse en marge de l'Euro, ont lancé des appels arguant qu'il ne faut pas voter en faveur du RN, et des extrêmes.

Comment cela se fait-il que le Rassemblement national puisse atteindre une tel score aux dernières élections? Les massacres du Hamas, une population française qui se laisse aveugler par les discours bien huilés de Jordan Bardella sur «cette France qui se lève tôt», qui n'arrive plus à joindre les deux bouts. Selon le RN, le parti est désormais du côté des travailleurs, des ouvriers, des laissés-pour-compte.

Il était encore impensable, il y deux ans de cela, de voir le parti lepéniste grimper dans les sondages à grandes enjambées, avec le protégé Jordan Bardella sur le porte-bagage. Après les émeutes de juin 2023 à Montargis et le 7 octobre (date des massacres du Hamas), c'est la bascule. Le RN a accéléré sa normalisation avec cette phrase entendue à tire-larigot, si souvent récitée devant les caméras des chaînes françaises:

«On n'a pas encore essayé»

Les (nouveaux) électeurs du RN ont entonné en coeur ce refrain qui passe comme un aveu de faiblesse, un ras-le-bol face à l'insécurité et le déclin présupposé d'un pays qui, aveuglé par les discours de l'extrême droite, impose la priorité nationale pour sortir la pays de la boue.

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Pourquoi ne pas tester et construire une nouvelle sécurité? Néanmoins le saut dans l'inconnu s'apparente à une glissade dans le précipice.

Car le second tour des législatives, ce 7 juillet, aura valeur d'essai vertigineux pour la population française. Elle qui a pourtant déjà été confrontée à l'extrême droite dans son histoire.

C'est surtout la réponse à un essai macroniste décevant; une marche en avant qui aurait dû gommer les clivages entre la gauche et la droite. Seulement voilà, comme la Fondation Jean Jaurès l'écrivait, Emmanuel Macron aurait éloigné les poles les plus éloignés du centre.

Résultat: la France vote dans l'urgence et veut essayer et donc verser dans l'extrêmisme, s'il le faut, juste pour essayer.

La nuance n'a plus la cote en période trouble.

Et la montée en flèche du RN occasionne un grand saut en arrière, quand le pétainisme régnait: protectionnisme, préférence nationale, dirigisme. Comme se remémorait l'historien Gérard Noiriel dans une vidéo du Monde, le discours nationaliste depuis ses origines assure que tous les problèmes français sont liés à l'immigration, une diatribe que l'on retrouve dans les paroles de Bardella. Ces discours nourrissent la fuite en avant qui met en péril les préceptes de la démocratie.

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Autoritarisme et hostilité

L'extrême droite est par définition hostile à la démocratie et faufile l'autoritarisme dans l'équation. Les idées d'extrême droite ne se débattent pas, elles se combattent. Or là, comme l'écrit Gérald Bronner dans une chronique pour L'Express, cette envie d'essayer (le RN) est la réponse à «une frustration qui les enjoint à croire qu’aucune expérience politique ne serait à craindre, attendu que nous aurions déjà "touché le fond"».

Le disque poussiéreux que le Rassemblement national est en train de jouer s'est transformé en tube de l'été. Le refrain «on n'a pas encore essayé» sonne creux et s'avère bien maigre comme antidote à une cohésion sociale en berne dans l'Hexagone et une inflation difficile à digérer. Il est surtout une réponse empoisonnée à des élites politiques déconnectées qui ont manqué à leur devoir, laissant la porte grande ouverte à l'extrême droite.

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La «dédiabolisation» des lepénistes semble être un réel trouble de mémoire (collectif), mais devrait avant tout être perçu comme une leçon:

la tolérance, c'est savoir fixer les limites de l'intolérable.

Les électeurs et électrices français et françaises sont excédés. Ils cèdent aux extrêmes, signe de la colère qui règne au sein d'une population qui s'est sentie méprisée. Pire, oubliée. Il faut donc, selon la grogne de la population, essayer de les faire réagir, sans aucune mesure.

Cependant la percée du RN donne un écho tout particulier à Albert Camus, lorsqu'il écrivait: «Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n'est pas pour prendre de ses nouvelles». Le clin d'oeil est tout trouvé, surtout quand Jordan Bardella confie que son livre de chevet n'est autre que L'Etranger d'Albert Camus. Le protégé de Marine Le Pen n'a pas encore essayé de lire le livre.

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