«PLUS IL Y A DE SURFACES CONSTRUITES, PLUS IL Y A DE RISQUES DE DéGâTS»

Les intempéries à répétition provoquent pour des millions de francs de dégâts… et ce n’est pas fini. Expert en modélisation des risques de catastrophes chez Swiss Re, Balz Grollimund explique ce qui nous attend en Suisse.

Inondation du siècle à Morges, trafics routier et ferroviaire perturbés et interventions de pompiers par centaines en Romandie… Depuis quelques temps, les violents orages de pluie et la grêle qui s’abattent régulièrement sur la Suisse provoquent des dommages qui se chiffrent en millions. Et cela ne va pas changer, estime Balz Grollimund. Responsable du développement des modèles de risque de catastrophe chez l’assureur des assureurs Swiss Re, il explique…

Des Grisons au Léman, en passant par Morges, Zermatt, Bâle, Schaffhouse et Genève, les inondations se succèdent. S’agit-il d’évènements exceptionnels?

De tels événements ont toujours existé et deviennent plus fréquents à cause du réchauffement climatique. De fortes précipitations ont tendance à se produire plus souvent et plus intensément. Lorsqu’il pleut autant et que les sols sont saturés d’eau, le risque de fortes coulées de boue grandit.

Ces vingt dernières années, la Suisse a investi des milliards pour se protéger contre les crues. Cela a-t-il permis de diminuer les dégâts?

En effet, on a beaucoup investi – comme dans la renaturation des rivières pour mieux contrôler les conséquences des inondations. Mais, parallèlement, nous constatons une augmentation tendancielle des fortes pluies. Ajoutez les dommages aux bâtiments causés par la grêle ou les tempêtes de vent. Certains se souviennent des tempêtes

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Lothar

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et

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Martin

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en 1999, qui ont ravagé toute l’Europe et la Suisse. Certes, il n’y a plus eu de tempêtes aussi terribles. Mais le danger n’a pas disparu pour autant.

L’année 2023 a été la plus chaude jamais mesurée, avec un maximum d’orages violents. Atteindrons-nous de nouveaux records en 2024?

Depuis une quinzaine d’années, les dommages assurés résultant de catastrophes naturelles augmentent à l’échelle mondiale – entre 5 à 7% par an. L’an dernier, pour la quatrième fois de suite, ils ont franchi la barre des 100 milliards de dollars. Deux tiers des dégâts étaient dus à de violents orages combinés à de la grêle, des inondations et des tornades. Il n’y a aucune raison de penser que la tendance va changer.

Pourquoi le montant des dommages grimpe-t-il autant?

Plusieurs facteurs se combinent: d’une part l’inflation fait monter la valeur des bâtiments et les frais de remise en état. D’autre part, les villes s’étendent et la croissance économique accroît la prospérité. Les individus possèdent ainsi davantage de biens. Lorsqu’un phénomène naturel survient, les dégâts sont nettement plus importants qu’avant.

C’est-à-dire?

Dans le monde entier, l’urbanisation progresse très vite. Dès lors, la majeure partie de la croissance démographique et de l’accroissement des richesses se concentre dans les villes. Les catastrophes y provoquent plus de dommages, car elles sont souvent situées en bord de mer, de rivières ou de lacs, où les inondations sont potentiellement plus fréquentes. Les dégâts sont alors plus grands. Et plus il y a de surfaces construites, plus il y a de risques de dégâts. De surcroît, de nombreux objets assurés, installations photovoltaïques, revêtements de façades modernes ou stores à lamelles, sont plus sensibles à la grêle.

L’ampleur des dégâts ne devrait-elle pas provoquer d’énormes pertes chez les assureurs?

Pour certains assureurs directs, cela peut effectivement se répercuter sur les résultats, en fonction des risques figurant dans leurs livres. Dans l’ensemble, malgré les milliards de dommages, 2023 a été une année rentable pour les assureurs de risques naturels. Cela permet au secteur de constituer les réserves nécessaires pour pouvoir absorber les chocs lorsqu’une catastrophe naturelle se produit.

Pratiquement, qu’est-ce que cela signifie?

Les réassureurs comme Swiss Re sont là pour prendre en charge les risques importants qu’un assureur direct ne peut pas assumer seul. Nous déterminons un prix par risque. Cela donne un signal aux consommateurs. Ils peuvent ainsi choisir entre acheter des tuiles de meilleure qualité et des panneaux solaires plus résistants ou payer des primes d’assurance plus élevées.

Chez Swiss Re, le calcul des risques est-il basé sur des données officielles ou sur des modèles climatologiques développés à l’interne?

Nous sommes l’un des rares réassureurs à disposer de notre propre équipe d’une cinquantaine de scientifiques pour modéliser les risques. Nous nous référons tant à des sources de données externes qu’à nos propres estimations.

Y a-t-il en Suisse des régions où les risques sont tellement élevés que les assureurs ne sont plus disposés à les couvrir?

Les bâtiments situés en zone de danger maximum en matière d’inondations, de glissements de terrain, d’avalanches ou d’éboulements ne sont pratiquement pas assurables. À mon sens, il ne faudrait plus octroyer de permis de construire dans ces zones pour de nouveaux bâtiments.

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À long terme, en Suisse, les risques d’incendie de forêt augmenteront, cela peut devenir problématique pour les édifices directement exposés à des feux de forêt. Car chez nous aussi, les étés ont tendance à devenir plus secs.

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