VOICI CE QUE KENDJI GIRAC A FAIT VIVRE à SES PROCHES AVANT DE TIRER

Trois jours après la blessure par balle de la star française, Kendji Girac, le procureur a fait état des avancées de l'enquête pour «tentative d'homicide volontaire». Voici le récit de ce qu'il s'est passé cette sinistre nuit.

Jeudi après-midi, le procureur de la République de Mont-de-Marsan, Olivier Janson, est revenu en long et en large sur le tir qui a touché Kendji Girac le 22 avril dernier. Il a fait le récit d'une histoire complexe qui mêle secrets, addiction et mensonges.

Au final, Kendji Girac, blessé par balle lundi à Biscarrosse (Landes), a expliqué, mercredi, aux enquêteurs avoir voulu «simuler un suicide» pour faire peur à sa compagne qui menaçait de le quitter après une dispute. Mais l'affaire éclaire en réalité d'une lumière crue la vie du couple.

Pour bien comprendre le contexte, il faut rembobiner.

De la lumière à la nuit

Dimanche 22 avril, avant l'aube, trois pompiers arrivent dans un camp de gens du voyage à Biscarrosse, sur le littoral atlantique français. Ils y découvrent là un camp en ébullition. Une cinquantaine de personnes viennent à leur rencontre. Menés par les gens du voyage, ils trouvent un homme assis sur une chaise et en caleçon. Ils ne reconnaissent pas la star française Kendji Girac, blessée par balle.

«L'accueil, sans être hostile, est assez rugueux»

- Un pompier -

Les gens présents laissent faire péniblement les premières constatations. Leurs déclarations sont brouillonnes. Les pompiers vont entendre que la blessure a été occasionnée par l'essai d'une arme, à cinq heures du matin. Les pompiers pensent rapidement, au milieu de l'effervescence, à une tentative d'homicide.

Ils restent peu de temps sur place, ils avaient convenu de retrouver le Samu et son médecin plus loin. Au même moment, les gendarmes arrivent dans le camp et découvrent un autre monde, ce dernier est plongé dans le noir, tout le monde semble dormir, à l'exception d'un petit groupe qui les accueille.

«Une forme d'omerta va marquer les débuts de cette enquête»

- Le procureur Olivier Janson -

Personne ne donne son identité. «La situation sera gelée jusqu'à 6h35», raconte le procureur:

«Nous n'avions pas de certitude, aucune explication des gens sur place»

A ce stade de l'enquête sont envisagées plusieurs hypothèses:

  • Celle d'une violence externe au camp, autrement dit quelqu'un est venu commettre un crime;
  • Celle d'un cas de violence dans la famille, car la totalité des gens présents sont parents;
  • Une tentative de suicide.

«Cette dernière option a été sujette à question au vu du déroulement des faits», explique le procureur. En effet, tout portait à croire que l'acte était criminel.

Comment Kendji a-t-il été identifié

Dans ce contexte, l'identification même de la victime a été relativement compliquée et ne va pouvoir se faire que par le biais d'une plaque d'immatriculation. Devant la caravane de la victime se trouve une Porsche Cayenne. Les enquêteurs découvrent que le véhicule appartient à la star française. La caravane, elle, est neuve, moderne et sans luxe apparent. Un impact de balle sur l'extérieur de la caravane. Le tir vient de l'intérieur, le projectile est ressorti. Mais impossible d'ouvrir, la compagne de Girac, une jeune femme prénommée Soraya, a fermé avant de partir.

Une fois les lieux ouverts par un proche, à l'intérieur, c'est propre, fait remarquer le procureur. La porte d'entrée est au milieu. Sur la gauche, il y a un salon et sur la droite un couloir avec sanitaires, salle de bain et une chambre. Il n'y a pas de désordre dans la chambre, mais dans le salon, c'est tout le contraire. On retrouve un lit bébé posé sur les canapés, ainsi qu'une couette.

Depuis que Kendji Girac va mieux, Internet tire à balles réelles

A l'hôpital, pendant ce temps, on recueille, en quelques minutes, les explications de Girac, il parle d'un accident. Il n'explique pas l'absence de l'arme. Il dit avoir fait ça tout seul avec un pistolet acheté à la brocante. C'est le récit qu'il a tenu jusqu'alors. Quand les agents demandent alors de savoir où est l'arme, il reste vague, ajoutant aux suspicions:

«Peut-être que les autres l'ont jetée. J'étais seul dans ma caravane avec ma femme»

- Kendji Girac après les faits -

Dans ce contexte étrange, le premier objectif des enquêteurs est de retrouver l'arme du supposé crime. Et elle va révéler bien des secrets.

Une conférence téléphonique et un buisson

Les agents poursuivent leur enquête dans le camp, personne ne sait, ou ne veut dire où elle se trouve. Le directeur d'enquête contacte le père de Kendji Girac. Et la situation se débloque d'une étrange manière. Par une visioconférence, un individu, encore aujourd'hui non identifié, explique aux gendarmes où l'arme se situe, indique le procureur:

«Elle était dans un roncier à quelques dizaines de mètres du camp»

Elle a été retrouvée, mais sans chargeur. Ce dernier et un étui sont remis par un oncle de Kendji. Ils se situaient dans une caravane du camp. Le chargeur retrouvé (de 7 cartouches) correspondra bel et bien à l'arme. «Ces conditions vont limiter les analyses», explique le procureur. En effet, trois personnes ont manipulé l'arme après les faits. Cette dernière a été identifiée comme un pistolet à répétition semi-automatique Remigton 1911:

«Elle a été l'apanage du grand banditisme à une certaine époque»

- Le procureur -

C'est une arme classée en catégorie B aujourd'hui en France. Elle est donc soumise à autorisation. Difficile d'imaginer qu'on ait pu la trouver dans une brocante.

Interrogé sur son origine, plus tard, Kendji Girac dira qu'il l'a acheté à un gars – que la police n'a pas identifié – passé au camp, pour 500 euros. La personne n'était pas un membre des gens du voyage.

Le pistolet en question possède deux sûretés et trois sécurités, précise le procureur. En clair, pour tirer, il faut que la paume appuie sur la poignée et sur la détente. Sans cela le coup ne peut pas partir. Après avoir vérifié que c'était bien l'arme qui avait tiré et au vu des éléments connus, le procureur est formel:

«Un accident est jugé impossible»

Par ailleurs, à ce stade, la justice émet en plus des doutes quant aux déclarations du chanteur selon lesquelles il serait un amateur total au sujet des armes. En effet, il est connu qu'il a fait des tirs avec le raid et qu'il pratique en Suisse dans un club. C'est quelqu'un qui connaît le fonctionnement d'une arme de poing.

A ce stade, les agents se sont sans doute demandés ce que cachait la star. Pour comprendre, ils ont remonté le fil des jours précédant le tir. Et cela nous donne un éclairage cru sur la vie des Girac avant le drame.

Que s'est-il passé les jours avant le tir presque fatal?

Les enquêteurs ont reconstitué les jours précédant les faits. Kendji Girac était dans le camp depuis une dizaine de jours. Il y arrive sans sa femme. Le 18 avril, ses parents se déplacent et vont visiter leur fille qui est sur le point d'accoucher, elle se trouve dans un autre camp. Soraya, la femme de Kendji arrive, entre-temps, avec leur fille, depuis la Suisse dont elle est originaire.

Le vendredi 19, «ils vont avoir tous les deux une journée classique centrée sur le couple», raconte le procureur. Ils vivent leur vie de famille tout ce qu'il y a de plus banal. Le lendemain, pareil. «Le dimanche 21, par contre, donne lieu à des explications un peu divergentes», commente le procureur.

Les informations qui se recoupent racontent que la famille Girac passe le midi avec une famille d'amis à Arcachon. Ils rentrent à 17h30 et vont enchaîner sur une soirée couscous. Vers 20h un groupe, des jeunes du camp, décide d'aller au casino. Kendji Girac s'y intègre. C'est une activité courante, rien d'anormal. Ils rentrent aux alentours de 23h. Kendji se retrouve dans sa caravane vers 23h20-23h30. Le coup de feu est titré vers 5h30.

Mais le tableau est plus complexe.

La vie du couple passée au crible

Pour comprendre l'affaire, il faut se pencher sur le couple. La rencontre de Kendji et Soraya date de 2014. Jusqu'en 2020, ils ont fonctionné sur un mode de séparation et retrouvailles, lui était à Paris et elle en Suisse. Ils s'installent, après 6 ans de relation, en région parisienne. Depuis, elle mène, elle aussi, au moins en partie, la vie des gens du voyage.

Soraya a raconté aux enquêteurs que cette union a été mal vue par sa famille et celle de Kendji. Elle n'est, en effet, pas issue de la communauté des gens du voyage. Elle a expliqué les difficultés rencontrées, dit son mal-être vis-à-vis de certaines situations qui mettait sa conscience féministe à mal. Sans viser sa famille, elle pointe le fonctionnement en général de la communauté. Du côté de Kendji, la famille avait aussi assez mal pris la situation.

Il y a eu des tensions, une différence de conception de la vie, notamment en ce qui concernait leur fille de 3 ans. Il était hors de question, pour la mère, qu'elle loupe l'école en raison des voyages et, pour elle, c'était la dernière année de ce mode de vie, au moins à temps plein.

Au cœur des tensions du couple: l'alcoolisme

Mais le cœur du problème consistait dans les tensions relativement récentes liées à un début d'addiction à l'alcool que le gagnant de The Voice avait commencé à développer, selon le procureur. Il multipliait les cuites. Parfois, elles duraient 48 heures, raconte sa femme aux policiers. Soraya a, toutefois, précisé aux enquêteurs que Kendji n'avait jamais été violent envers elle et sa fille. Mais que, parfois, il cassait des objets. Elle a aussi expliqué qu'il prenait de la coke une à deux fois par semaine. Ce que l'intéressé confirmera plus tard.

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Pour en revenir aux heures avant le tir, elle raconte que dès le début de la journée Kendji était excité. Il voulait boire. Si le déroulé des faits correspond à ce que les autres témoins racontent, Soraya précise que Kendji aurait beaucoup consommé. Après son départ pour le casino, elle n'a pas plus de nouvelles et se couche à 23h. Et, en son absence, elle prend la petite dans le lit conjugal.

Kendji serait rentré à 2h35, dit-elle. Le couple a alors une dispute, car, ivre et bruyant, il réveille leur fille. Soraya, en colère, lui demande d'aller faire du bruit ailleurs. Il s'exécute et s'installe dans la voiture devant la caravane. Il met la musique à fond. Des cantiques, selon plusieurs témoins.

A un moment donné, le chanteur part avec sa voiture. Soraya l'entend démarrer et s'inquiète. Elle appelle son beau-père. Il est 2h50. Ce dernier va rappeler son fils, qui lui assure qu'il est à l'autre bout du camp pour ne pas déranger avec sa musique. Il dit qu'il va aller se coucher, car le lendemain, il doit se rendre en Suisse pour des raisons professionnelles. Il a un avion à 7h, il ne le prendra jamais.

La scène du tir

Kendji retourne donc dans la caravane. Soraya raconte qu'elle l'entend pleurer, faire du bruit. La situation se tend à nouveau. Là encore, il réveille sa fille. C'en est trop pour la jeune femme qui pose un ultimatum: l'un ou l'autre doit partir. Elle va dans la chambre et tire la porte tout en la laissant légèrement entrouverte.

Elle explique qu'elle l'entend s'agiter, depuis la chambre, fouiller dans les placards. C'est là que retentit le coup de feu. «Ça sentait le fer», racontera-t-elle aux policiers. Elle court chercher de l'aide dehors. C'est quelqu'un d'autre qui va appeler les secours. Tout de suite, les gens lui demandent de ne pas dire ce qu'il s'est vraiment passé. Elle décide de faire le tour de la caravane pour parler avec les secouristes au téléphone. A son retour, elle retrouve son mari assis dehors. Elle ne sait pas comment il est sorti. Il n'y a plus d'arme.

«Ce dont je suis certaine, c'est qu'il n'y avait personne d'autre dans la caravane»

La jeune femme précise aux enquêteurs que ce n'est pas la première fois qu'il menace de se tuer. Il lui aurait déjà répété, lors de disputes, qu'il allait se mettre une balle ou se trancher la gorge, relate le procureur.

Est-ce que les explications de Soraya tiennent la route?

Des expertises ont été menées et certaines seront concordantes avec sa version. Notamment les analyses sanguines qui confirment qu'une grande quantité d'alcool avait été consommée, raconte le procureur. Il avait 2,5 grammes à 5h du matin. Pour la cocaïne, c'était la fin de la métabolisation, mais il en avait pris.

L'enquête confirme que les échanges avec les témoins et les examens vont dans le sens de la version de Soraya. Il n'y a, par ailleurs, pas de traces de violences sur son corps à elle et celui de Kendji.

Comment s'est déroulé le tir?

Une expertise balistique qui vise à reconstituer la trajectoire permet de tirer plusieurs conclusions. Dans la caravane, il y a une entrée de balle dans un canapé et une sortie, ce qui détermine l'angle de tir et permet aux enquêteurs de conclure:

  • Que Kendji Girac a été touché par une balle à bout portant proche, mais le canon n'appuyait pas sur le thorax.
  • Que la disposition des lieux et l'angle de la balle montrent qu'il est impossible qu'un tiers ait tiré.
  • Que le chanteur était bel et bien assis au moment du tir.

Le procureur donne, en outre, des détails à propos de l'impact sur le corps de Kendji: l'orifice d'entrée est situé au-dessus du mamelon gauche – dont une partie a été emportée – et la sortie se trouve entre la 9ᵉ et la 10ᵉ côte. Il y a eu une perforation du poumon, la rate a été touchée ainsi que le diaphragme.

«C'est un trajet miraculeux»

- Le procureur -

La nouvelle version de Kendji Girac

Au vu de ces éléments, la star est réentendue longuement. Il dit avoir été perdu moralement ces derniers temps. Les questions des enquêteurs se centrent sur la fin de journée du dimanche, les dernières heures avant le tir. Il raconte être allé à une expo et reconnaît avoir bu beaucoup. Il confirme aux enquêteurs avoir pris «deux petites traces de cocaine».

«C'était les vacances, je me suis lâché»

- Kendji Girac -

Entre 23h30 et 2 heures, il reste avec cinq ou six personnes hors du camp, ils écoutent de la musique. Il finit par rentrer à la caravane et confirme la dispute. Il se souvient être allé dans son 4x4, se rappelle être à nouveau rentré, avoir encore réveillé sa fille. Il se rappelle sa femme qui lui dit de partir. C'est à ce moment qu'il est allé à la recherche de son arme.

Il dit avoir été pris d'une impulsion qui consistait à faire peur à sa femme à lui montrer qu'il irait jusqu'au bout. Il parle de sa détresse face à la perspective de la perdre, de la panique. Il dit avoir voulu simuler un suicide. Au moment de tirer, il croyait le chargeur vide. Il assure aux enquêteurs:

«En aucun cas c'est ma femme qui a tiré»

Il précise qu'il n'avait pas donné cette version à la famille. Il a, selon lui, pris l'arme et l'a orientée vers sa poitrine:

«Je voulais faire entendre le bruit de la détente à Soraya»

Dans un geste de chantage, il a voulu lui faire croire qu'il était prêt à mourir. Il expliquera aux enquêteurs que c'est lui, tout seul, qui est sorti de la caravane pour s'installer dehors.

Il dit regretter cette histoire plus que tout et être content que tout soit tiré au clair.

La conclusion du procureur

En conclusion, le procureur est formel, un tir qui aurait été réalisé par un tiers est écarté.

«Nous avons un tir provoqué volontairement par Kendji Girac»

- Le procureur -

La procédure judiciaire, elle, pourrait donc voir son terme prochainement. Mais l'histoire ne s'arrêtera certainement pas là.

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