LA PéNURIE D'EAU POTABLE DANS LE MONDE EST PLUS GRAVE QUE CE QUE L'ON PENSAIT, ET ELLE POURRAIT EMPIRER

Les estimations actuelles relatives à l'accès à l'eau dans le monde seraient trop optimistes, estiment des chercheurs néerlandais. D'après leur nouveau calcul, plus de la moitié de la population n'a pas accès à suffisamment d'eau "propre" pendant au moins un mois par an. Il faudrait donc, en plus de réguler les usages, lutter davantage contre la pollution (Nature Climate Change).

Éternel paradoxe. Sur notre planète bleue, l'eau douce représente moins de 2,5 % de la totalité de l’eau, dont moins de 1 % est sous forme liquide et peut donc être utilisée par l'homme (Centre d'information sur l'eau). Et si l’eau douce se caractérise par une salinité faible par opposition à l'eau de mer, cela ne signifie pas nécessairement qu'elle est "propre". Potable, encore moins.

Le sixième Objectif de Développement Durable (ODD) établi par l'ONU vise un accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement d’ici 2030, en particulier pour les populations vulnérables. Il appelle également à une gestion durable de cette ressource, et mentionne la réduction du nombre de personnes souffrant de la rareté de l’eau (cible 6.4) (Agenda 2030 du gouvernement).

Or, en tenant compte de la qualité de l'eau, une équipe de chercheurs de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) calcule que 55 % de la population mondiale n'a pas accès à suffisamment d'eau propre pendant au moins un mois par an – contre 47 % si seule la quantité d'eau est prise en compte (Nature Climate Change, 23 mai 2024).

En Afrique de l'Est et en Chine, l'eau abonde parfois – mais sa qualité laisse à désirer

Par "eau propre", on entend ici une eau n'excédant pas divers seuils de qualité, dans une approche dite "multi-polluants" : salinité, pollution organique, et pollution par des agents pathogènes. La méthode repose en effet sur un modèle simulant la qualité des eaux de surface, combiné à un modèle hydrologique de la ressource en eau (débit, prélèvement d'eau souterraine, demande en eau, etc.).

L'écart entre les estimations peut certes sembler faible, mais les différences géographiques, elles, sont de taille. Par exemple, les dépassements saisonniers des seuils de qualité de l'eau induisent des conditions de pénurie en Afrique de l'Est et dans de grandes parties de la Chine, souvent en dépit d'une disponibilité suffisante de l'eau.

L'Inde, pour sa part, souffre des effets combinés d'une disponibilité et d'une qualité insuffisantes de l'eau dans de nombreuses régions pendant une grande partie de l'année. Les régions les plus peuplées d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord connaissent également des pénuries, le plus souvent pendant les mois d'été. Les problèmes de quantité d'eau y sont exacerbés par une mauvaise qualité.

Si les progrès dans la réutilisation des eaux usées après traitement ainsi que la désalinisation de l'eau de mer pourraient amener à relativiser ces résultats en augmentant la disponibilité de l'eau propre, on pourrait au contraire les juger encore trop optimistes, du fait que les auteurs sont partis du principe que l'eau souterraine n'était pas polluée – ce qui n'est pas forcément le cas.

Deux tiers de la population mondiale victime de pénurie d'eau en 2100

À l'aide de simulations informatiques selon différentes trajectoires en matière de changements climatiques et sociétaux, les chercheurs ont également pu estimer la pénurie d'eau à la fin de ce siècle : entre 56 et 66 % de la population sera touchée d'ici là, les habitants d'Afrique subsaharienne risquant d'être les plus durement affectés.

"La disponibilité insuffisante d'eau propre présente des risques pour la santé humaine, la production alimentaire, la production d'énergie et le fonctionnement des écosystèmes", souligne l'étude.

Afin de limiter les conséquences de la pénurie d'eau sur les populations et l'environnement à l'avenir, les auteurs suggèrent de mettre en place des mesures visant à réduire notre consommation – mais aussi à cesser de polluer nos sources.

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