VISITER LE HAVRE AUTREMENT: CAP SUR L'éPATANTE HUITIèME éDITION D'UN ÉTé AU HAVRE, QUI DISSéMINE OEUVRES D'ART ET INSTALLATIONS MONUMENTALES DANS LA VILLE

Cet été encore, des oeuvres d'art et des installations monumentales s'invitent dans l'espace public havrais. Manifestation artistique à ciel ouvert, Un Été Au Havre offre une façon originale de (re)découvrir la ville et son territoire.

En 2017, Le Havre célébrait les 500 ans de sa création le temps d'une grande manifestation qui invitait l’art contemporain au cœur de son territoire – réalisés par des artistes de tous horizons, des œuvres et des installations XXL investissaient les rues de la ville portuaire, son front de mer, ses jardins et lieux de culture… À la clé, un vrai succès populaire : 2 millions de visiteurs répondaient à l’appel.

La commune de Seine-Maritime prolonge depuis quelques jours l’aventure d’Un Été Au Havre, avec une huitième édition toujours doublement séduisante : parce qu’elle offre une manière inédite de parcourir une ville d’abord, mais aussi parce qu’elle rend accessible à tous des œuvres d’art souvent réservées à un public initié. Mieux encore, à la manière d’autres rendez-vous culturels à ciel ouvert comme Le Voyage à Nantes ou Annecy Paysages, l'événement transforme l’art contemporain en un levier touristique.

La manifestation, dont la direction artistique a été confiée pour la deuxième fois consécutive à Gaël Charbeau, dévoile en 2024 un ensemble de 30 œuvres et installations réparties dans l’espace public. Une grosse moitié, et c’est aussi la force de l’événement, appartient désormais à la collection permanente, preuve qu'une œuvre d'art peut s'inviter au Havre pour l'été et finir par participer au décor de la ville à toutes les saisons. Autant de raisons de mettre (ou remettre) le cap sur la cité portuaire (en pensant à s'équiper de bonnes chaussures pour rejoindre à pied les points d'intérêt, bien qu'un réseau de bus soit également mis à disposition).

Flâner chez Auguste Perret

Se promener au Havre, c’est d’abord s'inviter chez Auguste Perret. On doit à l’architecte le dessin et la reconstruction du centre-ville après sa destruction pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce chapitre majeur de l’histoire havraise, l’artiste Isabelle Cornaro le célèbre dès la gare, en métamorphosant ses grandes baies vitrées.

Avec cette œuvre baptisée "Coupes" (dévoilée en 2023), l’artiste rend hommage aux vitraux de l’église Saint-Joseph, le chef-d’œuvre de Perret et à leur gamme chromatique, imaginée par la peintre verrière Marguerite Huré. Son geste transforme le hall de la gare en un espace poétique et vivant, qui se transforme selon l’heure de la journée et l’ensoleillement.

L'oeuvre "Coupes" d'Isabelle Cornaro à la gare du Havre Anne-Bettina Brunet / Un Été au Havre

Couleur toujours : dans le centre-ville, l’artiste Josselin Desbois pare les passages couverts du quartier Perrey d’un éclairage bleuté dont l’intensité lumineuse augmente ou diminue selon le calme ou la puissance du vent. Façon pour lui de révéler le bâti existant.

"Aura" de Josselin Desbois Anne Bettina-Brunet / Un Été au Havre

Le mouvement, d'ailleurs, irrigue de nombreuses œuvres de cette nouvelle édition. Le long de l’avenue Foch, sur un triangle de pelouse, Emmanuelle Ducrocq a ainsi planté une série de mâts de hauteur variable, en haut desquels pivotent des chaises récupérées dans différents quartiers de la ville. Certaines parties des assises ont été recouvertes d’un vernis réfléchissant et l’ensemble repose sur un dispositif rotatif : l'œuvre est mouvante, bousculée par l’air marin.

Emmanuelle Ducrocq présente "Entre", une installation composée de chaises qui pivotent en haut de mats de différentes tailles.  Anne-Bettina Brunet / Un Été au Havre

Non loin, dans un bassin du square Saint-Roch, le Breton Arthur Gosse a ressuscité une lune déjà dévoilée lors de l'édition 2021 et plébiscitée par les Havrais. L'astre, cette fois, est proposé dans une version en résine et en fibre de verre. "Le Havre, sourit l’intéressé, c’est comme la lune, c’est gris, c’est loin, personne n’y va et pourtant c’est un endroit fascinant."

Oeuvre "La lune s'est posée au Havre" d'Arthur Gosse Anne-Bettina Brunet - Un Été au Havre

Observer l'art au bord de l’eau

L’eau, au Havre, est omniprésente. De nombreuses œuvres et installations artistiques cohabitent avec elle, que ce soit sur la grande plage ou près des nombreux bassins (bassin de la Manche, de l’Eure, de la Barre…). Stéphane Vigny a ainsi profité du démontage du dernier “épi” du Havre (des constructions en bois pensées pour limiter le mouvement des galets sur la plage) pour reconstituer l'ensemble sur la promenade qui longe la mer. Il a pour cela utilisé la méthode du rusticage, technique ancienne de modelage en ciment (et ancêtre du béton armé). À travers ce geste, l'artiste offre aussi une lecture moderne du mythe de Sisyphe, condamné au combat perpétuel contre un rocher.

"Épi" de Stéphane Vigny Anne Bettina-Brunet / Un Été au Havre

Toujours sur la plage, depuis 2018, la structure blanche et graphique "UP#3", réalisée par le duo d’artistes Sabina Lang et de Daniel Baumann, dessine une nouvelle perspective entre la ville et la mer.

UP#3", réalisée par le duo d’artistes Sabina Lang et de Daniel Baumann en 2017, fait désormais partie du paysage des Havrais. Philippe Bréard

Sur le quai Southampton, toute de courbes et de couleurs vêtue, la monumentale installation "Catène de containers" de Vincent Ganivet continue elle aussi de s’imposer comme un des emblèmes de la ville, au même titre que l’église Saint-Joseph ou encore le Volcan, la scène nationale du Havre dessinée en 1982 par Oscar Niemeyer.

"Catène des containers" de Vincent Ganivet © Jacques Basile / Un Été au Havre

Plus loin, l’artiste Max Coulon a perché, sur le toit d’un bâtiment portuaire, une drôle de cabane en bois sculptée, qui repose sur des larges pieds et répond au nom de "No Reason to Move". Cette installation à l'allure de maison-personnage s’invite dans un paysage déjà remarquable, où cohabitent architecture moderne (celle de Perret) et architecture contemporaine (celle de la Tour Alta, bâtiment ultra-récent qui semble s’enrouler sur lui-même).

Prendre de la hauteur aux Jardins suspendus

Sur les hauteurs de la ville, à l’intérieur de l’ancien fort de Sainte-Adresse, les Jardins suspendus offrent aux promeneurs un poumon vert de dix hectares. On y découvre des serres et quatre jardins paysagers où s’épanouit la flore des cinq continents. Cette année, l’artiste argentine Ad Minoliti, connue pour ses œuvres destinées à des “visiteurs non humains”, a installé sur un rempart du fort un monumental "Hôtel des Oiseaux", parallélépipède de six mètres de hauteur couvert d'un dessin très pop, qui recèle nichoirs et abreuvoirs. Plus loin, des bancs, également conçus et décorés par l'artiste, invitent les visiteurs à faire une halte.

L'hôtel des oiseaux d'Ad Minoliti au sein des Jardins suspendus © Un Été au Havre

Deux œuvres réalisées pour les éditions précédentes d’Un Été au Havre sont par ailleurs toujours visibles dans les jardins. Dans une alvéole du site, l'artiste brésilien Henrique Oliveir a déployé une sculpture monumentale et organique faite de différents bois. Dans une ancienne poudrière du site, enfin, le trombinoscope "Chevalvert" expose les portraits de 10 000 habitants du Havre, saisis pendant la première édition de la manifestation.

Visiter musées et théâtres

Présente aux Jardins suspendus, l’artiste Ad Minoliti l’est aussi cet été au Portique, le Centre régional d’art contemporain du Havre qui héberge son exposition Nature is Queer jusqu’au 29 septembre. À travers son univers pop et coloré, l’artiste interroge la nature, l’écologie et le féminisme et s’empare des questions de genres. Déployées sur deux étages, ses peintures souvent géométriques figurent un étonnant bestiaire et cohabitent avec une bibliothèque riche en ouvrages de référence sur le féminisme.

Colorées, pop et géométriques, les oeuvres de l'artiste argentine Ad Minoliti s'exposent au Portique. Philippe Bréard

Le MuMa, le musée d'art moderne de la ville, accueille de son côté l’exposition "Photographier en Normandie (1840-1890)" qui rapproche peinture et photographie pour mettre en lumière l’influence réciproque des deux arts. Faisant cohabiter des tableaux de Monet, Boudin ou Pissaro avec les clichés de Bayard, Breton ou Ruskin, l'ensemble agence un dialogue fructueux, avec la Normandie en toile de fond.

Direction la galerie du Théâtre de l’Hôtel de Ville enfin, pour découvrir le film d’animation de Grégory Chatonsky, artiste qui utilise l’intelligence artificielle depuis quinze ans. L’année dernière, Chatonsky avait réinventé l’histoire du Havre de 1895 à 1971 en travaillant avec des IA alimentées par le fonds d’archives photographiques de la ville. Il avait ensuite disposé ces images sur les murs pignons des immeubles de la ville.

"La ville qui n'existait pas", de Grégory Chatonsky Anne Bettina-Brunet / Un Été au Havre

Baptisé “La ville qui n’existait pas”, son projet, qu'il a d'emblée envisagé en trois volets, se prolonge en 2024 avec un film qui met en mouvement certaines images de l’année dernière. Ce drôle d'objet visuel, à la fois technologique et poétique, imagine la ville du Havre submergée par la mer et par des formes énigmatiques violettes. L'utopie rattrape le réel puisque le visiteur croisera plusieurs d'entre elles dans les rues du Havre au cours de sa balade, sous forme de volumes de béton violet imprimés en 3D.

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